La Perte et l'HĂ©ritage
eBook - ePub

La Perte et l'HĂ©ritage

Raphaël Arteau McNeil

Partager le livre
  1. 186 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

La Perte et l'HĂ©ritage

Raphaël Arteau McNeil

DĂ©tails du livre
Aperçu du livre
Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

Ce livre est une dĂ©fense et illustration de ce que l'auteur appelle «l'Ă©ducation par les grandes Ɠuvres». Constatant lucidement la perte qu'a reprĂ©sentĂ©e pour les jeunes gĂ©nĂ©rations le fait d'Ă©radiquer presque complĂštement des programmes scolaires, au nom d'une modernisation et d'une dĂ©mocratisation Ă  courte vue, toute initiation comme toute rĂ©fĂ©rence Ă  la grande culture occidentale, il propose non pas un illusoire retour en arriĂšre, mais la simple rĂ©activation de cet hĂ©ritage injustement oubliĂ©, la redĂ©couverte de ses beautĂ©s, de ses vĂ©ritĂ©s toujours actuelles et de la libertĂ© dont il est plus que jamais le porteur privilĂ©giĂ©.Une telle rĂ©flexion concerne non seulement notre rapport Ă  l'Ă©ducation, mais aussi notre sociĂ©tĂ©, notre Ă©poque, voire notre monde, et mĂȘme, peut-on ajouter, la vie et la conscience de chacun d'entre nous, Ă©tudiants, parents, enseignants, citoyens. Écrit et composĂ© avec autant de clartĂ© que d'Ă©lĂ©gance, cet ouvrage n'a pas pour but de rĂ©volutionner l'Ă©ducation, mais d'aider Ă  rĂ©tablir un lien rompu, Ă  redonner aux «dĂ©shĂ©ritĂ©s» d'aujourd'hui le legs magnifique auquel ils ont droit.

Foire aux questions

Comment puis-je résilier mon abonnement ?
Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramĂštres et de cliquer sur « RĂ©silier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez rĂ©siliĂ© votre abonnement, il restera actif pour le reste de la pĂ©riode pour laquelle vous avez payĂ©. DĂ©couvrez-en plus ici.
Puis-je / comment puis-je télécharger des livres ?
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l’application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Quelle est la différence entre les formules tarifaires ?
Les deux abonnements vous donnent un accĂšs complet Ă  la bibliothĂšque et Ă  toutes les fonctionnalitĂ©s de Perlego. Les seules diffĂ©rences sont les tarifs ainsi que la pĂ©riode d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous Ă©conomiserez environ 30 % par rapport Ă  12 mois d’abonnement mensuel.
Qu’est-ce que Perlego ?
Nous sommes un service d’abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Prenez-vous en charge la synthÚse vocale ?
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Est-ce que La Perte et l'Héritage est un PDF/ePUB en ligne ?
Oui, vous pouvez accĂ©der Ă  La Perte et l'HĂ©ritage par RaphaĂ«l Arteau McNeil en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Philosophy et Philosophical Essays. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages Ă  dĂ©couvrir dans notre catalogue.

Informations

Année
2018
ISBN
9782764645345
L’éducation par les grandes Ɠuvres
La condition humaine nous impose d’apprendre ; ce n’est pas un choix, c’est une nĂ©cessitĂ©. Les animaux apprennent eux aussi, c’est Ă©vident, mais aucun animal ne cherche Ă  apprendre ni n’apprend autant qu’un ĂȘtre humain peut le faire. Quand on prend conscience de l’étendue et de la profondeur des connaissances humaines, il est alors possible d’en faire une activitĂ© voulue et d’y consacrer temps et Ă©nergie, il est mĂȘme possible d’y consacrer le meilleur de soi-mĂȘme. C’est ce qu’on appelle s’éduquer. Si les animaux et depuis peu les ordinateurs peuvent apprendre une quantitĂ© surprenante de choses, nous seuls pouvons nous Ă©duquer. Pour le dire Ă  la maniĂšre des philosophes, l’éducation est le propre de l’homme.
Pourtant, l’éducation ne se produit pas spontanĂ©ment, elle n’est pas naturelle au sens oĂč la pubertĂ© l’est. L’éducation prĂ©suppose une transmission, elle est un hĂ©ritage reçu puis redonnĂ© de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Si le courant de l’histoire nous tire en avant et nous Ă©loigne les uns des autres, l’éducation joue le rĂŽle d’une ligne d’eau, une chaĂźne de bouĂ©es qui rattache les gĂ©nĂ©rations entre elles et qui, malgrĂ© les vagues et le ressac, indique une direction, Ă  tout le moins fixe une limite. Quand les eaux de l’époque s’agitent et que le torrent de l’histoire veut tout emporter, il faut s’y accrocher avec plus de force et faire l’effort de tendre Ă  la nouvelle gĂ©nĂ©ration une autre bouĂ©e afin qu’elle ne parte pas Ă  la dĂ©rive. En un mot, il faut dĂ©fendre et perpĂ©tuer l’éducation.
En apparence, c’est ce que nous faisons. Nous reconnaissons sans problĂšme que chaque nouvelle gĂ©nĂ©ration doit ĂȘtre Ă©duquĂ©e – c’est un passage obligĂ©, comme on dit – et, Ă  cette fin, nous avons crĂ©Ă© diffĂ©rentes institutions qu’il est commode de regrouper sous l’appellation de systĂšme d’éducation. MĂȘme si cette expression laisse planer l’idĂ©e de mĂ©canisation, il n’en demeure pas moins que la prĂ©sence de ce systĂšme tĂ©moigne du soutien dont jouit l’éducation dans notre sociĂ©tĂ©. Cela dit, la raison d’ĂȘtre de l’éducation que ce vaste et coĂ»teux appareil doit servir demeure confuse. Notez qu’un subtil glissement s’est opĂ©rĂ© quand je suis passĂ© de la vĂ©ritĂ© de notre condition Ă  la structure institutionnelle de notre sociĂ©tĂ©. De l’éducation Ă  la voix active (s’éduquer), je suis passĂ© malgrĂ© moi Ă  l’éducation Ă  la voix passive (ĂȘtre Ă©duquĂ©). Cette nuance linguistique est moins anodine qu’il n’y paraĂźt. Pour en rĂ©vĂ©ler l’ampleur, quelques distinctions supplĂ©mentaires s’imposent : l’éducation a beau ĂȘtre le propre de l’homme, si cette activitĂ© n’est pas mieux dĂ©finie, elle devient vite une Ă©tiquette vide capable de dĂ©signer une chose et son contraire.
L’éducation et la spĂ©cialisation
Par Ă©ducation, on entend bien souvent la somme de connaissances qu’il est possible d’acquĂ©rir durant le cheminement scolaire. Cette quantitĂ© de connaissances peut ĂȘtre prodigieuse, mais si aucun objectif prĂ©dĂ©terminĂ© n’en guide l’acquisition, l’éducation qu’elle composera sera une Ă©ducation patentĂ©e, ce qui est tout le contraire d’une vĂ©ritable Ă©ducation. Descartes s’en plaignait dĂ©jĂ  Ă  son Ă©poque et comparait l’éducation qu’il avait reçue Ă  ces anciennes citĂ©s qui, n’ayant Ă©tĂ© au commencement que des bourgades, sont devenues avec le temps de grandes villes « mal compassĂ©es ». Descartes a donc sorti son compas et tracĂ© les grandes lignes d’une nouvelle mĂ©thode qui, en prĂŽnant la division et la multiplication des connaissances, ne pouvait conduire qu’au fractionnement de l’éducation. Quelque quatre cents ans plus tard, l’éducation est gouvernĂ©e par le principe de spĂ©cialisation, et au lieu d’une nouvelle Ă©ducation nous en avons des dizaines, des centaines, voire des milliers. L’influence de Descartes a portĂ© ses fruits et nier les avantages tangibles que nous retirons de la spĂ©cialisation relĂšverait de la mauvaise foi. Il ne faut pas pour autant confondre Ă©ducation et spĂ©cialisation. L’éducation peut trĂšs bien prĂ©parer Ă  la spĂ©cialisation, mais la spĂ©cialisation ne saurait ĂȘtre la finalitĂ© de l’éducation sans l’étouffer et l’atrophier.
Le glissement de la voix active Ă  la voix passive que je viens de souligner se produit dĂšs que l’éducation est mise au service d’une finalitĂ© autre qu’elle-mĂȘme. Il ne s’agit pas d’une pratique nouvelle : chaque Ă©poque a construit son lit de Procuste sur lequel l’éducation devait se coucher et la spĂ©cialisation n’est que le dernier modĂšle de cette sĂ©rie, si ce n’est que son lit est Ă  la fois le plus massif et le plus Ă©troit. Avec la spĂ©cialisation comme finalitĂ©, la seule raison d’ĂȘtre de l’éducation est d’équiper le futur travailleur d’une panoplie de compĂ©tences qu’il pourra mettre Ă  profit quand il aura enfin choisi sa profession (ce qui sera d’ailleurs l’occasion de faire un tri et de vider sa tĂȘte de tout ce qu’il ne pourra pas rĂ©investir dans sa carriĂšre). Si c’est cela, l’éducation, alors ce n’est rien de plus qu’un dressage, rien de plus qu’un gavage intellectuel : une activitĂ© passive, existentiellement passive, quand bien mĂȘme elle exigerait une dĂ©termination soutenue pendant plusieurs semestres.
Pour l’illustrer, je propose une anecdote tirĂ©e du roman Le Premier Cercle d’Alexandre Soljenitsyne : elle met en scĂšne l’ingĂ©nieur Potapov, spĂ©cialiste des rĂ©seaux Ă  haute tension de « l’illustre barrage du Dnieproghes, ce premier fleuron des quinquennats staliniens ». Potapov a vouĂ© toute sa vie Ă  son barrage, tellement que ses amis l’appelaient « le robot », signifiant par lĂ  qu’il Ă©tait un ingĂ©nieur Ă  l’état pur, tout entier Ă  sa spĂ©cialisation. Mais voilĂ  que Potapov est accusĂ© d’avoir livrĂ© le barrage, son barrage, aux Allemands durant la Seconde Guerre mondiale. C’est un mensonge, une injustice, mais le mensonge et l’injustice finissent par Ă©veiller la pensĂ©e de Potapov. « Et pour la premiĂšre fois, dans sa perplexitĂ©, le robot s’était demandĂ© : “Mais Ă  quoi bon, finalement, ce fichu Dnieproghes ?”1 » À ce moment, Potapov regarde le monde sans les ƓillĂšres de sa spĂ©cialisation et, pour la premiĂšre fois de sa vie, formule une pensĂ©e digne de ce nom. Potapov, qui connaĂźt peut-ĂȘtre mieux que quiconque le fonctionnement complexe du barrage, qui en maĂźtrise Ă  fond la merveilleuse technologie, cesse de le regarder en vase clos et pose, au sujet de ce barrage qu’il connaĂźt si bien, la question Ă  la fois la plus simple et la plus difficile : « À quoi bon ce barrage ? », c’est-Ă -dire : « Pourquoi ce barrage ? », « Que vaut-il une fois replacĂ© dans l’ordre gĂ©nĂ©ral des choses ? » Il est difficile de croire que cette pauvre question Ă©lĂšve davantage notre humanitĂ© que les impĂ©nĂ©trables Ă©quations du gĂ©nie Ă©lectrique, mais c’est pourtant le cas.
C’est bien connu, les rĂ©gimes totalitaires du xxe siĂšcle ont exploitĂ© l’étroitesse d’esprit de ces individus bornĂ©s Ă  leur tĂąche. Ces rĂ©gimes Ă©taient animĂ©s par ce qu’ils croyaient ĂȘtre une vĂ©ritĂ© scientifique, que ce soit la biologie raciste des nazis ou le matĂ©rialisme historique des communistes. Cette prĂ©tention scientifique Ă©tait doublĂ©e d’une fascination pour toutes les avancĂ©es technologiques susceptibles de favoriser la rĂ©alisation de leurs programmes respectifs. Ces rĂ©gimes exigeaient de leur population une adhĂ©sion idĂ©ologique sans faille et, pour leurs Ă©lites, une solide formation spĂ©cialisĂ©e. Les rĂ©sultats furent dĂ©sastreux, surtout pour les individus qui avaient embrassĂ© ces exigences avec le plus d’ardeur. Alexandre Soljenitsyne le sut d’autant mieux qu’il fut l’un d’eux. FormĂ© en mathĂ©matiques et en physique, il adhĂ©ra Ă  l’idĂ©ologie communiste de son pays et, tout comme l’ingĂ©nieur Potapov de son roman, mit volontiers son intelligence et ses talents Ă  son service. Puis il fut lui aussi arrĂȘtĂ© par les autoritĂ©s soviĂ©tiques et, sur la base de quelques propos dĂ©sobligeants Ă  l’endroit de Staline exprimĂ©s dans sa correspondance privĂ©e, il connut l’injustice, la prison et la torture. Ce fut pour lui un choc douloureux, mais ce choc Ă©veilla sa pensĂ©e. Pour cette raison et malgrĂ© l’horreur du goulag, malgrĂ© son aberration, Soljenitsyne fait l’éloge de sa prison. « Tous les Ă©crivains qui ont parlĂ© de la prison sans y avoir Ă©tĂ© se sont crus obligĂ©s d’exprimer leur sympathie aux dĂ©tenus et de maudire la prison. Moi, ajoute Soljenitsyne, j’y suis restĂ© suffisamment, j’y ai forgĂ© mon Ăąme et je dis sans ambages : bĂ©nie sois-tu, prison, bĂ©ni soit le rĂŽle que tu as jouĂ© dans mon existence2 ! » La prison a Ă©tĂ© pour Soljenitsyne le lieu de sa vĂ©ritable Ă©ducation et mĂ©rite pour cette raison sa reconnaissance.
Chacun Ă  sa maniĂšre, Soljenitsyne et Potapov ont Ă©tĂ© les produits d’une Ă©ducation spĂ©cialisĂ©e. La spĂ©cialisation n’a pas nĂ©cessairement fait d’eux des criminels, mais elle a fait d’eux des ĂȘtres bornĂ©s. Il est parfois nĂ©cessaire d’ĂȘtre bornĂ©, parce que tout travail sĂ©rieux et appliquĂ© exige une concentration qui inĂ©vitablement rĂ©duit l’horizon Ă  un seul objet ; tout travail sĂ©rieux et appliquĂ© rĂ©clame une fermeture d’esprit. Mais comment ne pas voir qu’une intelligence incapable de faire le mouvement inverse est mutilĂ©e, qu’une intelligence confinĂ©e Ă  la seule sphĂšre de sa spĂ©cialisation n’est pas pleinement humaine ? Car ce qui fait dĂ©faut chez le robot Potapov, ce n’est pas l’intelligence, c’est l’éducation. Si la spĂ©cialisation procure des ƓillĂšres, l’éducation Ă©largit le regard et apporte quelque chose d’analogue Ă  la vision panoramique. La plupart du temps, c’est cette vision large de la vie et de l’ĂȘtre humain qui manque Ă  ces spĂ©cialistes incapables de prendre la mesure des convictions qu’ils servent. Ce phĂ©nomĂšne s’attache Ă  la modernitĂ© comme son ombre : les rĂ©gimes totalitaires du xxe siĂšcle en ont offert la preuve horrifiante et – est-il besoin de le prĂ©ciser ? – le monde de la spĂ©cialisation n’a pas Ă©tĂ© emportĂ© avec leur chute, loin de lĂ .
L’éducation n’est pas au service de la spĂ©cialisation ; l’éducation, c’est ce qui prĂ©cĂšde, entoure et surplombe la spĂ©cialisation. Faisons un pas de plus : dans la mesure oĂč toutes nos connaissances s’enracinent Ă  la fois dans l’expĂ©rience et dans la rĂ©flexion, il est possible de dĂ©finir l’éducation comme l’activitĂ© qui consiste Ă  rĂ©flĂ©chir sur son expĂ©rience. Cette dĂ©finition n’a rien d’édifiant, mais j’estime tout de mĂȘme qu’elle mĂ©rite qu’on s’y arrĂȘte. Si s’éduquer consiste Ă  rĂ©flĂ©chir sur son expĂ©rience, il s’ensuit que l’éducation s’enrichit en proportion de l’aptitude de chacun Ă  amĂ©liorer sa capacitĂ© de rĂ©flexion et Ă  Ă©largir la sphĂšre de sa propre expĂ©rience. J’y reviendrai bientĂŽt.
Histoire d’une tradition
Le goulag a forcĂ© Soljenitsyne Ă  rĂ©flĂ©chir sur son expĂ©rience et Ă  l’évaluer Ă  partir d’une perspective plus vaste. Cette « Ă©ducation » fut cependant si violente et si douloureuse qu’elle brisa ou tua la trĂšs grande majoritĂ© de ceux qui eurent Ă  la subir. D’ailleurs, aprĂšs avoir exprimĂ© sa gratitude envers le goulag, Soljenitsyne ajoute : « Mais des tombes on me rĂ©pond : – Parle toujours, toi qui es restĂ© en vie3 !
 » Il est heureux que Soljenitsyne ait survĂ©cu au goulag, ce qui relĂšve dĂ©jĂ  d’un grand coup de chance ; il est tout simplement admirable qu’il en soit sorti l’ñme grandie. Pour un Soljenitsyne, il y a eu des milliers de robots et des millions de morts ; c’est une Ă©ducation achetĂ©e au prix d’une montagne de vies sacrifiĂ©es aux autels de l’ignorance et de la barbarie.
Il existe heureusement une voie plus douce. Sans constituer une mĂ©thode infaillible, l’éducation par les grandes Ɠuvres me semble ĂȘtre la meilleure solution de rechange Ă  l’injustice et Ă  la souffrance qui, parfois, permettent Ă  quelques esprits de se dĂ©gourdir. Ce n’est rien de nouveau ni d’original, simplement la poursuite d’une vieille tradition souvent menacĂ©e sans ĂȘtre jamais abandonnĂ©e. À ma connaissance, le tĂ©moignage le plus ancien qui porte sur l’éducation par les grandes Ɠuvres se trouve dans Les MĂ©morables de XĂ©nophon : « Les trĂ©sors que les anciens sages nous ont laissĂ©s dans leurs Ɠuvres Ă©crites, nous les dĂ©roulons et les parcourons en commun avec des amis ; et si nous voyons quelque chose de bien, nous le recueillons, et nous estimons que c’est un grand gain si nous enrichissons notre amitiĂ© mutuelle4. » XĂ©nophon attribue ces paroles Ă  Socrate, dont la vie ne semble avoir Ă©tĂ© que cela : une longue rĂ©flexion sur la nature et le rĂŽle de l’éducation. Il n’est cependant pas facile d’avoir accĂšs aux rĂ©flexions de Socrate puisque, au-delĂ  du fossĂ© historique qui nous sĂ©pare de lui, Socrate n’a rien Ă©crit de sa main, et tous ceux qui ont Ă©crit Ă  son sujet ont insistĂ© sur son ironie. Selon l’image forgĂ©e par Platon, Socrate Ă©tait comme une mouche dont le bourdonnement philosophique gardait tant bien que ma...

Table des matiĂšres