De Marie de L'Incarnation à Nelly Arcan
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De Marie de L'Incarnation à Nelly Arcan

Se dire, se faire par l'écriture intime

Patricia Smart

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De Marie de L'Incarnation à Nelly Arcan

Se dire, se faire par l'écriture intime

Patricia Smart

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Über dieses Buch

Ce livre trouve son origine dans le désir d'explorer les expériences des femmes qui ont accompagné et rendu possibles les grands moments de l'histoire officielle du Québec, de l'arrivée des Français en Amérique du Nord jusqu'à l'accession à la liberté d'expression indviduelle et collective apportée par la Révolution tranquille. Les historiennes féministes ont examiné la situation de ces femmes, mais il est rare que nous entendions la voix des protagonistes elles-mêmes ou que nous ayons accès à leur point de vue, que ce soit sur le monde qui les entoure ou sur leurs aventures intérieures. C'est cette voix que Patricia Smart donne à entendre ici. Tous ces textes parlent d'un moi brimé, inhibé, mais qui se refuse à démissionner. Pour ces femmes, la venue à l'écriture fait partie intégrante de la quête de soi et de la prise de possession du monde. Beaucoup plus que de simples révélateurs de réalités sociales, ces écrits intimes appartiennent à la littérature.

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PARTIE III
Écrire pour soi : le journal intime (1843-1964)
Vers le milieu du XIXe siècle, l’espace langagier ouvert aux femmes s’agrandit, s’étendant au-delà du genre épistolaire pour embrasser aussi la pratique du journal intime. Enfin, grâce à des cahiers dans lesquels elles peuvent écrire à leur guise, les femmes ont la possibilité d’explorer les contours de leur moi et leur situation dans le monde pour elles-mêmes, et non pas nécessairement par l’entremise de leur relation avec un autre (divin ou humain). L’intimité du journal offre un espace-miroir à l’abri des regards extérieurs où l’on peut se révéler sans excuses, chercher sa voie, évaluer son progrès, se lamenter de ses échecs et, idéalement, construire un moi capable de penser et d’agir indépendamment des pressions exercées par le milieu. Pour la première fois, grâce à l’avènement du romantisme et à son insistance sur l’importance du moi individuel, la question « Qui suis-je ? » commence à préoccuper les jeunes filles et les femmes.
Écrits dans le secret et voués à la confidentialité, la plupart des journaux intimes féminins de l’époque ont sans doute disparu. Bien que quelques-uns aient été remisés dans des tiroirs ou conservés dans des greniers pendant plusieurs générations, très peu ont survécu jusqu’à nos jours. Il n’est pas surprenant que ceux qui ont été conservés aient presque tous été rédigés par des femmes ayant des liens de parenté avec des familles influentes ou des hommes politiques importants, et se trouvent dans des fonds d’archives portant des noms comme Dessaulles, McGill, Cartier, Lacoste, Marchand, Dandurand ou Laurendeau. On ne peut donc chercher dans leurs pages une documentation portant sur les mentalités et la situation des femmes québécoises en général, mais seulement sur celles de l’élite, situation qui s’explique non seulement par les pratiques de conservation dans les archives, mais aussi par le fait que le journal intime était surtout un passe-temps pour les femmes des milieux aisés, ayant le loisir et l’éducation nécessaires pour se consacrer à l’écriture.
Bien qu’on ne puisse prétendre à un statut représentatif ou typique pour ces journaux, ils offrent par leur diversité un échantillon intéressant de voix qui, réunies, nous renseignent sur ce que pouvaient être les préoccupations de jeunes filles et de femmes bourgeoises dans la deuxième moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe, ainsi que sur les pressions exercées sur elles par les idéologies de l’époque. Bien que les historiens nous aient fourni d’abondantes informations concernant le rôle de la femme durant cette période, tel que défini dans les sermons et les mandements des évêques, entériné par le système judiciaire et faisant partie intégrale du conditionnement de la jeune fille au couvent et à la maison, nous ne savons pas ce que cela pouvait représenter de vivre sous de telles contraintes. Les jeunes filles étaient-elles heureuses pendant leurs années au couvent ? Se sentaient-elles culpabilisées par les doctrines de l’Église portant sur la femme, le corps et la sexualité, ou angoissées par le peu de connaissances qu’elles avaient de ces choses avant le mariage ? Une fois mariées, comment vivaient-elles leurs rôles de mère, d’éducatrice et d’épouse ? Comment percevaient-elles le pouvoir factice qu’on leur accordait en tant que « reines du foyer » ? Plus important encore, dans quelle mesure les journaux dont nous disposons témoignent-ils d’un moi féminin autonome ? Les diaristes accordent-elles plus d’importance au fait d’aimer et d’être aimée qu’à leurs propres désirs et besoins ? Le monde qu’elles évoquent dans leurs carnets s’étend-il aux événements du domaine public ou reste-t-il confiné à la sphère domestique ? Les journaux intimes nous offrent une vision privilégiée de la vie des filles et des femmes, à condition de « lire entre les lignes » parfois, car les convenances régissent le degré de dévoilement de soi dans les journaux de l’époque. Les aspects corporel et émotif de la grossesse, de l’accouchement, de la puberté et de l’acte sexuel sont enfouis au plus profond de l’être et ne peuvent être dits ni exprimés par écrit.
Le fait de tenir un journal constitue une tentative de donner forme et signification aux jours qui passent : grâce à l’écriture, on cherche à atteindre une certaine continuité ou permanence qui transcende le temps. À la différence de l’autobiographie, où l’on cherche par un regard rétrospectif à conférer à sa vie unité et cohérence, la forme fragmentée et chronologique du journal permet une plus grande liberté et davantage de transparence. L’auteur type d’un journal ne songe pas à la publication et n’a donc pas besoin de présenter un quelconque « visage » au monde extérieur ou d’organiser ce qu’il ou elle confie au papier ; au contraire, le journal « note la vie à l’état brut, dans ses variétés et ses contradictions […] se content[ant] de mettre en mémoire l’existence à la petite semaine, ou même à la demi-journée ; il s’accommode des piétinements sur place et des répétitions1 ». Ce mode d’écriture convient particulièrement bien à la vie des femmes de l’époque, souvent monotone, répétitive et remplie d’activités considérées comme insignifiantes. Pour celles dont l’existence est vouée au bien-être du mari et des enfants, le journal offre la possibilité de se retirer en elles-mêmes, de rassembler leurs forces et d’imprimer une direction à la circularité des jours.
Plus que les autres écrits personnels, les journaux intimes se préoccupent d’identité, offrant un miroir dans lequel la diariste peut se regarder vivre, chercher à mieux connaître ses motivations profondes, analyser ses actions et réactions, bref, questionner ou solidifier son moi. Du point de vue le plus primaire, ils sont une preuve que l’on existe dans un temps et un espace particuliers. Ghislaine Perrault (future Mme André Laurendeau), qui a commencé son journal en 1922, à l’âge de huit ans, écrit ses initiales – G. P. – de neuf façons différentes dans les premières pages, comme si elle se demandait : « Qui suis-je ? De quelle façon est-ce que je me présente aux autres et à moi-même ? » À dix ans, elle a déjà commencé à se définir en termes très simples, songeant à la possibilité d’un lecteur ou d’une lectrice éventuels : « Je ne veux pas que quelqu’un lise ce que j’écris là, mais si cependant cela arrivait, que cette personne sache que j’ai dix ans et que je suis très grande pour mon âge » (17 décembre 1924). Et, à onze ans, en deuxième de couverture de son journal, elle inscrit son identité de façon immémoriale :
Ghislaine Perrault
2155 Jeanne Mance
Montréal
P.Q.
Canada
Amérique du Nord
Terre
Univers
Pendant l’adolescence, les journaux peuvent naître de la conscience qu’il est temps de prendre sa vie en main et d’examiner les choix qui se présentent pour l’avenir. À seize ans, Michelle Le Normand commence un journal en se promettant de ne pas l’abandonner comme elle l’a si souvent fait avec ses journaux précédents. « Pour la dixième fois peut-être, je commence mon journal. Ferais-je de celui-là comme des autres ? […] À seize ans, ma foi, on doit pouvoir, ou être capable de tenir ce que l’on se promet », lit-on à la première ligne de son journal (9 septembre 1909). Pour Joséphine Marchand, le journal prend son origine dans la conscience du temps qui passe et dans le besoin de mieux définir son identité : « Je prends ce soir une subite résolution : celle de tenir un journal, miroir de mes impressions. J’ai maintenant dix-sept ans […] je ne suis plus jeune ; j’aurai bientôt 18 ans, et il faut commencer à envisager la vie sérieusement » (18 et 30 juillet 1879).
Le rôle de confident joué par le journal est tout aussi important. Dans son « cher cahier », la diariste trouve un autre à qui elle peut confier ses espoirs et ses angoisses, et avec qui elle peut partager ses expériences quotidiennes : « Je voudrais […] traduire mes idées avec la plume, ou les confier à quelqu’un dans l’intimité, mais mon impuissance à rendre pleinement mes impressions, et l’absence du confident souhaité, me paralysent. Voilà ce qui me décide à être mon propre confident, et à écrire mes pensées pour m’en amuser plus tard » (Marchand, 18 juillet 1879). Pour plusieurs des jeunes filles dont les journaux ont été conservés (Henriette Dessaulles et sa sœur cadette Alice, Joséphine Marchand, Michelle Le Normand), les carnets aident à réparer la blessure de se sentir mal aimées ou incomprises par leur mère. Véritable objet d’affection, le journal est perçu comme un ami toujours fidèle : « pas la moindre amourette à te raconter, mon cher journal », note Marchand (30 juillet 1879) ; « Depuis une demi-heure je pioche une leçon de philosophie, et maintenant je viens te voir avec grand plaisir, cher Journal », écrit Michelle Le Normand (14 février 1910). Pour Henriette Dessaulles, frustrée à quatorze ans par les admonitions constantes de sa belle-mère et de ses maîtresses d’école, le silence de son journal est une de ses qualités les plus précieuses : « Et je te dirai tous mes petits secrets, cher muet, qui reçoit mes confidences sans me donner de bons conseils ! » note-t-elle à la première page du carnet.
Enfin, les journaux offrent un moyen concret de mesurer le progrès vers un but ou de prendre des résolutions en vue de s’améliorer, souvent à l’occasion du jour de l’An ou de l’anniversaire de l’auteure. Celle-ci peut revenir sur les pages déjà écrites afin de comparer sa situation présente à celle d’un temps antérieur – procédé dont le journal de Ghislaine Perrault offre un exemple amusant. À onze ans, elle fait la remarque que ses parents étaient beaux autrefois et que son frère sera beau quand il sera plus vieux, s’il se laisse pousser la moustache. Cinq ans plus tard, en relisant son journal, elle note dans les marges qu’elle avait tort : il est beau maintenant, malgré le fait qu’il n’a pas de moustache. La je...

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