eBook - ePub
Nanon
À propos de ce livre
Nanon, la narratrice, nous conte le récit de sa vie, la marquise de Franqueville, une vie de petite fille de la campagne, illettrée, mais gagnée par le désir d'apprendre à lire pour s'en sortir...C'est avec Emilien de Francqueville qu'elle apprend à être femme et construit sa vie. Déterminée, c'est avec intelligence et avec force de travail qu'elle va réussir.
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
- Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Nanon par George Sand en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Littérature et Fiction historique. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
II
II
Je me sentis bien honteuse ; pour sûr, ce garçon se moquait de moi, et il faut croire que j’avais beaucoup d’amour-propre, car cette honte me peina le cœur et je ne pus me retenir de pleurer.
Alors, le jeune religieux s’étonna et me dit d’une voix aussi douce que sa figure :
– Tu pleures, petite ? quel chagrin as-tu donc ?
– C’est, lui répondis-je, à cause de mon ouaille qui s’est sauvée dans votre pré.
– Eh bien, elle n’est pas perdue pour ça. Elle est contente puisqu’elle mange ?
– Elle est contente, je le sais bien ; mais, moi, je suis fâchée, parce qu’elle est en maraude.
– Qu’est-ce que ça veut dire, en maraude ?
– Elle mange sur le bien d’autrui.
– Le bien d’autrui ! tu ne sais ce que tu dis, ma petite. Le bien des moines est à tout le monde.
– Ah ! c’est donc qu’il n’est plus aux moines ? Je ne savais pas.
– Est-ce que tu n’as pas de religion ?
– Si fait, je sais dire ma prière.
– Eh bien, tu demandes tous les matins à Dieu ton pain quotidien, et l’Église, qui est riche, doit donner à ceux qui demandent au nom du Seigneur. Elle ne servirait à rien si elle ne servait à répandre la charité.
J’ouvrais de grands yeux et ne comprenais guère, car, sans être bien méchants, les moines de Valcreux se défendaient tant qu’ils pouvaient contre les pillards, et il y avait le père Fructueux qui remplissait les fonctions d’économe, et qui faisait grand bruit et de grosses menaces aux pâtours pris en faute. Il les poursuivait avec une houssine, pas bien loin, il est vrai, il était trop gras pour courir ; mais il faisait peur tout de même et on le disait méchant, encore qu’il n’eût pas battu un chat.
Je demandai au jeune garçon si le père Fructueux serait consentant de voir mon mouton manger son herbe.
– Je n’en sais rien, répondit-il ; mais je sais que l’herbe n’est point à lui.
– Et à qui donc est-elle ?
– Elle est à Dieu, qui la fait pousser pour tous les troupeaux. Tu ne me crois pas ?
– Dame ! je ne sais. Mais ce que vous me dites là m’arrangerait bien ! Si ma pauvre petite Rosette pouvait manger sa faim chez vous pendant la grande sécheresse, je vous réponds que je ne ferais pas la paresseuse pour ça. Sitôt les gazons repoussés dans la montagne, je me remettrais à l’y conduire, je vous dis la vérité.
– Eh bien, laisse-la où elle est, et viens la chercher ce soir.
– Ce soir ? oh ! nenni ! Si les moines la voient, ils la mettront chez eux, en fourrière, et mon grand-oncle sera forcé d’aller la redemander et d’endurer leurs reproches : et moi, il me grondera et me dira que je suis une vilaine comme les autres, ce qui me fera beaucoup de peine.
– Je vois que tu es une enfant bien élevée. Où donc demeure-t-il, ton grand-oncle ?
– Là-haut, la plus petite maison à la moitié du ravin. La voyez-vous ? celle après les trois gros châtaigniers ?
– C’est bien, je te conduirai ton mouton quand il aura assez mangé.
– Mais si les moines vous grondent ?
– Ils ne me gronderont pas. Je leur expliquerai leur devoir.
– Vous êtes donc maître chez eux ?
– Moi ? pas du tout. Je ne suis rien qu’un élève. On m’a confié à eux pour être instruit et pour me préparer à être religieux quand je serai en âge.
– Et quand est-ce que vous serez en âge ?
– Dans deux ou trois ans. J’en ai bientôt seize.
– Alors, vous êtes novice, comme on dit ?
– Pas encore, je ne suis ici que depuis deux jours.
– C’est donc ça que je ne vous ai jamais vu ? Et de quel pays êtes-vous ?
– Je suis de ce pays ; as-tu entendu parler de la famille et du château de Franqueville ?
– Ma foi, non. Je ne connais que le pays de Valcreux. Est-ce que vos parents sont pauvres, pour vous renvoyer comme ça d’avec eux ?
– Mes parents sont très riches ; mais nous sommes trois enfants, et, comme ils ne veulent pas diviser leur fortune, ils la gardent pour le fils aîné. Ma sœur et moi, nous n’aurons qu’une part une fois faite, pour entrer chacun dans un couvent.
– Quel âge est-ce qu’elle a, votre sœur ?
– Onze ans : et toi ?
– Je n’ai pas encore treize ans faits.
– Alors, tu es grande, ma sœur est plus petite que toi de toute la tête.
– Sans doute que vous l’aimez, votre petite sœur ?
– Je n’aimais qu’elle.
– Ah bah ! et vos père et mère ?
– Je ne les connais presque pas.
– Et votre frère ?
– Je le connais encore moins.
– Comment ça se fait-il ?
– Nos parents nous ont fait élever à la campagne, ma sœur et moi, et ils n’y viennent pas souvent, ils vivent avec le fils aîné à Paris. Mais tu n’as jamais entendu parler de Paris, puisque tu ne connais pas seulement Franqueville.
– Paris où il y a le roi ?
– Justement.
– Et vos parents demeurent chez le roi !
– Oui, ils servent dans sa maison.
– Ils sont les domestiques du roi ?
– Ils sont officiers ; mais tu ne comprends rien à tout cela et cela ne peut t’intéresser. Parle de ton mouton. Est-ce qu’il t’obéit quand tu l’appelles ?
– Pas trop, quand il est affamé comme aujourd’hui.
– Alors, quand je voudrai te le ramener, il ne m’obéira pas ?
– Ça se peut bien. J’aime mieux attendre, puisque vous le souffrez un peu chez vous.
– Chez moi ? Je n’ai pas de chez moi, ma petite, et je n’en aurai jamais. On m’a élevé dans cette idée-là que rien ne devait m’appartenir, et toi qui as un mouton, tu es plus riche que moi.
– Et ça vous fait de la peine de ne rien avoir ?
– Non, pas du tout ; je suis content de n’avoir pas à me donner de mal pour des biens périssables.
–Périssables ? Ah ! oui, mon mouton peut périr !
– Et vivant, il te donne du souci ?
– Sans doute, mais je l’aime et ne regrette pas mon soin. Vous n’aimez donc rien, vous ?
– J’aime tout le monde.
– Mais pas les moutons ?
– Je ne les aime ni ne les hais.
– C’est pourtant des bêtes bien douces. Est-ce que vous aimez les chiens ?
– J’en ai eu un que j’aimais. On n’a pas voulu qu’il me suive au couvent.
– Alors vous avez du chagrin d’être comme ça tout seul de chez vous, en pénitence chez les autres ?
Il me regarda d’un air étonné, comme s’il n’avait pas encore pensé à ce que je lui disais, et puis, il répondit :
– Je ne dois me faire de peine à propos de rien. On m’a toujours dit : « Ne vous mêlez de rien, ne vous attachez à rien, apprenez à ne vous affecter de rien. C’est votre devoir et vous n’aurez de bonheur qu’en faisant votre devoir. »
– C’est drôle, ça ! mon grand-oncle me dit tout à fait la même chose ; mais il dit que mon devoir est de m’occuper de tout, d’être bonne à tout dans la maison et d’avoir du cœur pour toute sorte d’ouvrages. Sans doute qu’on dit ça aux enfants des pauvres et qu’on dit autrement aux enfants riches.
– Non ! on dit cela aux enfants qui doivent entrer dans les couvents. Mais voilà l’heure de me rendre aux offices de la vêprée. Tu rappelleras ton mouton quand tu voudras, et, si tu veux le ramener demain…
– Oh ! je n’oserais !
– Tu peux le ramener, je parlerai à l’économe.
– Il fera votre volonté ?
– Il est très bon, il ne me refusera pas.
Le jeune homme me quitta et je le vis qui rentrait par les jardins, au son de la cloche. Je laissai encore un peu pâturer Rosette, et puis je la rappelai et la ramenai à la maison. Depuis ce jour-là, je me suis très bien souvenue de tout ce qui est survenu dans ma vie. Je ne fis d’abord pas de grandes réflexions sur mon entretien avec ce jeune moine. J’étais toute à l’idée riante que peut-être il m’obtiendrait un permis de pâturage de temps en temps pour Rosette. Je me serais contentée de peu. J’étais comme portée naturellement à la discrétion, mon oncle m’ayant donné en tout des exemples de politesse et de sobriété.
Je n’étais pas grande conteuse, mes cousins, très moqueurs, ne m’y encourageaient point ; mais, le permis de pâturage me trottant par la tête, je racontai ce soir-là à souper tout ce que je viens de raconter, et je le fis même assez exactement pour attirer l’attention de mon grand-oncle.
– Ah ! oui-dà ! fit-il, ce jeune monsieur qu’ils ont amené au couvent lundi soir et que personne n’avait encore vu, c’est le petit Franqueville ! un cadet de grande maison, c’est comme cela qu’on dit. – Vous connaissez bien Franqueville, mes gars ? un beau manoir, da !
– J’y ai passé une fois, dit le plus jeune. C’est loin, loin du côté de Saint-Léonard en Limousin.
– Bah ! douze lieues, dit Jacques, en riant, ça n’est pas si loin ! j’y ai été une fois aussi, la fois que le supérieur de Valcreux m’a donné une lettre à porter et qu’il m’a prêté la bourrique du moutier pour gagner du temps. Sans doute que c’était affaire pressante, car il ne la prête pas volontiers, la grand-bourrique !
– Ignorant ! reprit mon grand-oncle, ce que tu appelles bourrique c’est une mule.
– Ça ne fait rien, grand-père ! j’ai bien vu la cuisine du château et j’ai parlé à l’homme d’affaires, qui s’appelle M. Prémel. J’ai bien vu aussi le jeune monsieur, et à présent je comprends que la lettre, c’était pour manigancer son entrée au couvent.
– C’était une affaire manigancée depuis qu’il est au monde, reprit le père Jean. On n’attendait que l’âge, et moi, qui vous parle, j’ai eu ma défunte nièce, la mère à la petite que voilà, vachère dans le château en question. Je peux très bien dire ce qui en est de la famille. C’est des gens qui ont pour deux cent mille bons écus de terre au soleil, et des terres bien en rapport. Ça n’est pas négligé et pillé comme celles du moutier d’ici. L’homme d’affaires, l’intendant, comme ils l’appellent, est un homme entendu et très dur ; mais c’est comme ça qu’il faut être quand on est chargé d’une grosse régie.
Pierre observa que ce n’était pas la peine d’être si riche, quand on mettait de côté deux enfants sur trois. Il blâma, au point de vue des idées nouvelles qui commençaient à pénétrer jusque dans nos chaumières, le parti que prenaient encore certains nobles à l’égard de leurs cadets.
Mon oncle était un paysan de la vieille roche ; il défendit le droit d’aînesse, disant que, sans cela, tous les grands biens seraient gaspillés.
On se querella un peu. Pierre, qui avait la tête vive, parla haut à son grand-père et finit par lui dire :
– C’est bien heureux que les pauvres n’aient rien à se partager, car voilà mon frère aîné que j’aime beaucoup et que je serais forcé de détester si je savais qu’il y a chez nous quelque chose dont je n’aurai rien.
– Vous ne savez pas ce que vous dites, répondit le vieux ; c’est des idées de gueux que vous avez là. Dans la noblesse, on pense plus haut, on ne regarde qu’à la conservation de la grandeur, et les plus jeunes se font l’honneur de se sacrifier pour conserver les biens et les titres dans la famille.
Je demandai ce que cela voulait dire se sacrifier.
– Tu es trop petite pour savoir ça, répondit le père Jean.
Et il alla se coucher en marmottant tout bas sa prière.
Comme je répétais entre mes dents sacrifier, qui était un mot tout nouveau pour moi, Pierre qui aimait à faire l’entendu, me dit :
– Je sais, moi, ce que veut dire le grand-père. Il a beau défendre les moines, et les moines ont beau avoir des biens et le plaisir de ne rien faire, on sait qu’il n’y a pas de gens plus malheureux.
– Pourquoi sont-ils malheureux ?
– Parce qu’on les méprise, répondit Jacques en haussant les épaules.
Et il alla se coucher aussi.
Je restai un petit moment après avoir rangé le souper tout doucement pour ne point éveiller le père Jean, qui ronflait déjà, et, comme Pierre couvrait le feu qui était notre seule clarté dans la chambre, je m’approchai de lui pour causer tout bas. J’étais tourmentée de savoir pourquoi les moines étaient méprisés et malheureux.
– Tu vois bien, me dit-il, que c’est des hommes qui n’ont ni femmes ni enfants. On ne sait pas seulement s’ils ont père et mère, frères ou sœurs. Sitôt qu’ils sont encagés, leu...
Table des matières
- Page de titre
- I
- II
- III
- IV
- V
- VI
- VII
- VIII
- IX
- X
- XI
- XII
- XIII
- XIV
- XV
- XVI
- XVII
- XVIII
- XIX
- XX
- XXI
- XXII
- XXIII
- XXIV
- XXV
- XXVI
- XXVII
- XXVIII
- Page de copyright
