Le Joueur
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Le Joueur

  1. 159 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

Le jeu brûle tout. Il est la passion. Il est le rêve.L'enfer et la démesure. Le révélateur des abîmes de l'âme et l'ignoble concentré de la comédie bourgeoise. Il est l'argent!Autour de ses tapis, le général déchu se fait l'esclave du marquis et attend le décès de la richissime Baboulinka, sa tante. Hypothèques... Héritages...Intrigues... Corruption morale sur fond de bonnes manières. Qui donc résistera à ce tourbillon de folie?Dans ce désordre furieux, Alexis succombe à son tour au cancer du jeu. Le jeune précepteur veut séduire l'intraitable Pauline, belle-fille de son employeur. Il est pauvre et doit devenir riche. Il veut surprendre et se tuerait pour ça.Sur Roulettenbourg, ville d'eau paisible, souffle le vent du gâchis. Une tempête frénétique emportant les derniers fétus d'une vieille Europe en lambeaux...

Foire aux questions

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Informations

Année
2020
ISBN de l'eBook
9782322223954

Chapitre 1

 
Je suis enfin revenu de mon absence de deux semaines. Les nôtres étaient depuis trois jours à Roulettenbourg. Je pensais qu’ils m’attendaient avec Dieu sait quelle impatience, mais je me trompais. Le général me regarda d’un air très indépendant, me parla avec hauteur et me renvoya à sa sœur. Il était clair qu’ils avaient gagné quelque part de l’argent. Il me semblait même que le général avait un peu honte de me regarder.
Maria Felipovna était très affairée et me parla à la hâte. Elle prit pourtant l’argent, le compta et écouta tout mon rapport. On attendait pour le dîner Mézentsov, le petit Français et un Anglais. Comme ils ne manquaient pas de le faire quand ils avaient de l’argent, en vrais Moscovites qu’ils sont, mes maîtres avaient organisé un dîner d’apparat. En me voyant, Paulina Alexandrovna me demanda pourquoi j’étais resté si longtemps, et disparut sans attendre ma réponse. Évidemment elle agissait ainsi à dessein. Il faut pourtant nous expliquer ; j’ai beaucoup de choses à lui dire.
On m’assigna une petite chambre au quatrième étage de l’hôtel. – On sait ici que j’appartiens à la suite du général. – Le général passe pour un très riche seigneur. Avant le dîner, il me donna entre autres commissions celle de changer des billets de mille francs. J’ai fait de la monnaie dans le bureau de l’hôtel ; nous voilà, aux yeux des gens, millionnaires au moins durant toute une semaine.
Je voulus d’abord prendre Nicha et Nadia pour me promener avec eux. Mais de l’escalier on m’appela chez le général : il désirait savoir où je les menais. Décidément, cet homme ne peut me regarder en face. Il s’y efforce ; mais chaque fois je lui réponds par un regard si fixe, si calme qu’il perd aussitôt contenance. En un discours très pompeux, par phrases étagées solennellement, il m’expliqua que je devais me promener avec les enfants dans le parc. Enfin, il se fâcha tout à coup, et ajouta avec roideur :
– Car vous pourriez bien, si je vous laissais faire, les mener à la gare, à la roulette. Vous en êtes bien capable, vous avez la tête légère. Quoique je ne sois pas votre mentor, – et c’est un rôle que je n’ambitionne point, – j’ai le droit de désirer que… en un mot… que vous ne me compromettiez pas…
– Mais pour perdre de l’argent il faut en avoir, répondis-je tranquillement, et je n’en ai point.
– Vous allez en avoir, dit-il un peu confus.
Il ouvrit son bureau, chercha dans son livre de comptes et constata qu’il me devait encore cent vingt roubles.
– Comment faire ce compte ? Il faut l’établir en thalers… Eh bien, voici cent thalers en somme ronde ; le reste ne sera pas perdu.
Je pris l’argent en silence.
– Ne vous offensez pas de ce que je vous ai dit. Vous êtes si susceptible !… Si je vous ai fait cette observation, c’est… pour ainsi dire… pour vous prévenir, et j’en ai bien le droit…
En rentrant, avant le dîner, je rencontrai toute une cavalcade.
Les nôtres allaient visiter quelques ruines célèbres dans les environs : mademoiselle Blanche dans une belle voiture avec Maria Felipovna et Paulina ; le petit Français, l’Anglais et notre général à cheval. Les passants s’arrêtaient et regardaient : l’effet était obtenu. Seulement, le général n’a qu’à se bien tenir. J’ai calculé que, des cinquante-quatre mille francs que j’ai apportés, – en y ajoutant même ce qu’il a pu se procurer ici, – il ne doit plus avoir que sept ou huit mille francs ; c’est très peu pour mademoiselle Blanche.
Elle habite aussi dans notre hôtel, avec sa mère. Quelque part encore, dans la même maison, loge le petit Français, que les domestiques appellent « Monsieur le comte ». La mère de mademoiselle Blanche est une « Madame la comtesse ». Et pourquoi ne seraient-ils pas comte et comtesse ?
À table, M. le comte ne me reconnut pas. Certes, le général ne songeait pas à nous présenter l’un à l’autre ; et quant à M. le comte, il a vécu en Russie et sait bien qu’un outchitel

Chapitre 2

 
Cela m’était très désagréable. J’étais décidé à jouer, mais non pas pour le compte des autres. Même cela dérangeait mes plans. J’eus, en entrant dans le salon de jeu, une sensation de dépit, et, du premier regard, tout me déplut. Je ne puis supporter cet esprit de laquais qui dicte tous les feuilletons dans le monde entier, surtout chez nous, et qui, chaque printemps, impose au feuilletoniste ces deux thèmes : « La magnificence des salons de jeu dans les villes à roulette des bords du Rhin, et les tas d’or amoncelés sur les tables… » Les feuilletonistes ne sont pourtant pas payés pour dire cela. C’est pure servilité. En réalité, ces salons sont dégoûtants, et, pour des tas d’or, on n’en voit guère. Je sais bien que, parfois, un riche étranger, Anglais, Asiatique, Turc, s’arrête deux jours dans la ville, couche au salon et y perd ou gagne des sommes énormes ; mais quant au mouvement normal, il se compose de quelques florins, et il n’y a que très peu d’argent sur les tables.
Une fois entré, – c’était ma première soirée de jeu, – je fus quelque temps sans oser me mettre à jouer. Il y avait beaucoup de monde ; mais eussé-je été seul, je crois que je n’aurais pas été plus courageux. Mon cœur battait fort, et je n’avais pas de sang-froid.
J’étais sûr depuis longtemps que je ne quitterais pas Roulettenbourg sans qu’il m’y fût arrivé quelque chose de décisif. Il le faut et ce sera. Ce sera peut-être du ridicule ? Qu’est-ce que ça me fait ? En tout cas, l’argent n’est jamais ridicule. Il n’y en a qu’un sur cent qui gagne, mais il y en a un. Je résolus toutefois de bien examiner et de ne rien commencer de sérieux ce soir-là. Dût-il m’arriver ce soir même quelque chose d’important, j’étais résolu à le considérer comme négligeable.
J’avais décidé cela. De plus, ne fallait-il pas étudier le jeu lui-même ? Car, malgré les traités de roulette que j’avais lus avec avidité, je ne compris les combinaisons du jeu qu’en les pratiquant moi-même. Mais d’abord tout me parut sale, repoussant. Je ne parle pas des visages inquiets qui se pressaient autour des tables par dizaines, par centaines, attendu que je ne vois rien de repoussant dans le désir de gagner par le plus court moyen la plus grosse somme possible. Cette pensée d’un moraliste bien repu qui disait à un joueur, arguant de ce qu’il n’exposait que peu de chose : « C’est donc une cupidité médiocre », m’a toujours paru stupide. N’est-ce pas ? C’est une affaire d’appréciation : une cupidité médiocre et une grande cupidité ; un zéro pour Rothschild, un million pour moi ! Qu’y a-t-il de mauvais dans le système équilibré des gains et des pertes ?
Ce qui me parut, à moi, réellement laid et vil, – surtout au premier abord, – dans toute cette canaille qui compose le public de la roulette, c’est l’intolérable gravité des gens assis autour des tables. Il y a deux jeux : celui des gentlemen et celui de la crapule. On les distingue très sévèrement, et pourtant, à vrai dire, quelle sottise que cette distinction ! Un gentleman risque cinq ou dix louis, rarement plus, quoiqu’il puisse, s’il est très riche, jouer mille francs, mais pour l’amour du jeu seulement, pour s’amuser, pour étudier le processus du gain et de la perte. Quant au gain lui-même, c’est chose indifférente. En ramassant son gain, il convient que le gentleman fasse à quelqu’un de ses voisins une plaisanterie. Il peut rejouer son gain, le doubler même, mais uniquement par curiosité, pour voir les chances, pour faire des combinaisons, jamais pour le désir plébéien de réaliser un profit. Il ne doit voir, dans le salon de jeu, qu’un amusement. Et ne devrait-ce pas être la pensée aussi de toute cette canaille qui l’entoure ? Elle aussi, ne devrait-elle pas jouer pour le plaisir ? Ce dédain des questions d’intérêt serait, de sa part, très aristocratique… Je vis des mamans donner des pièces d’or à de gracieuses jeunes filles de quinze à seize ans et leur apprendre à jouer.
Notre général s’approcha solennellement de la table. Les laquais se précipitèrent pour lui donner une chaise ; mais il négligea de les voir. Il prit trois cents francs en or dans sa bourse, les posa sur le noir et gagna. Il fit paroli ; le noir sortit de nouveau. Mais, au troisième coup, le rouge sortit, et il perdit douze cents francs d’un coup. Il s’en alla avec un sourire et tint bon. – Je dois dire que, devant moi, un Français gagna et perdit gaiement trente mille francs. Un gentleman doit tout perdre sans agitation ; l’argent lui est si inférieur qu’il ne peut s’en apercevoir. De plus, il est très aristocratique de ne pas remarquer combien tout cet entourage est vulgaire et crapuleux. Il serait pourtant tout aussi aristocratique de le remarquer et de l’examiner avec une lorgnette ; le tout à titre de distraction. La vie est-elle autre chose que l’amusement des gentlemen ? Le gentleman ne vit que pour observer la foule. La trop regarder pourtant ne convient pas. C’est un spectacle qui ne mérite pas une grande attention. Eh ! quel spectacle mérite l’attention des gentlemen ? Seulement, je parle pour les gentlemen, car, personnellement, j’estime que tout cela vaut un examen attentif, non seulement pour l’observateur, mais aussi pour les acteurs de ce petit drame, pour ceux qui, franchement et simplement, se mêlent à toute cette canaille. Mais mes convictions personnelles n’ont que faire ici. J’ai dit par conscience ce qu’il en était ; voilà l’important. Depuis quelque temps, il m’est très désagréable de conformer mes actions et mes pensées aux règles de morale. Je suis une autre direction…
La canaille jouait en canaille. Je ne suis pas loin de croire que ce prétendu jeu cache de simples vols. Les croupiers, au bout des tables, vérifient les mises et font les comptes. Voilà encore de la canaille ! des Français pour la plupart. Si je note ces observations, ce n’est pas pour décrire la roulette, c’est pour moi-même, pour me tracer une ligne de conduite. Il n’est pas rare, il est très commun, veux-je dire, qu’une main s’étende à travers la table et prenne ce que vous avez gagné. Une discussion s’élève, on crie, et, je vous prie, le moyen de prouver à qui appartient la mise ?
D’abord, tout cela était pour moi de l’hébreu. Je comprenais seulement qu’on pontait sur des chiffres, sur pair et impair et sur des couleurs. Je me décidai à ne risquer ce soir-là que deux cents des florins de Paulina.
La pensée que je débutais par jouer pour un autre me troublait. C’était une sensation très désagréable. Je voulais en finir tout de suite. Il me semblait qu’en jouant pour Paulina je ruinais mes propres chances. Il suffit donc de toucher à une table de jeu pour devenir superstitieux ! Je déposai cinquante florins sur pair. La roue tourna et le chiffre treize sortit. Maladivement, pour en finir plus vite, je mis encore cinquante florins sur le rouge. Le rouge sortit. Je laissai les cent florins sur le rouge, qui sortit encore. Je laissai le tout et je gagnai derechef. Je mis deux cents florins sur la douzaine du milieu, sans savoir ce que cela pourrait me donner. On me paya deux fois ma mise. Je gagnai donc sept cents florins. J’étais en proie à d’étranges sentiments. Plus je gagnais, plus j’avais hâte de m’en aller. Il me semblait que je n’aurais pas joué ainsi pour moi. Je mis pourtant les huit cents florins sur pair.
– Quatre, dit le croupier.
On me donna encore huit cents florins ; et, prenant le tout, je m’en allai trouver Paulina.
Ils se promenaient tous dans le parc, et je ne pus la voir qu’au souper. Le Français n’était pas là, et le général put profiter de cette absence pour me dire tout ce qu’il avait sur le cœur. Entre autres choses, il me fit observer qu’il ne désirait pas me voir à la table de jeu. D’après lui, il était très dangereux pour moi que j’y parusse.
– Et en tout cas, moi, je serais compromis, répéta-t-il avec importance. Je n’ai pas le droit de régler votre conduite. Mais, comprenez vous-même…
Ici, selon son habitude, il ne finit pas. Je lui répondis très sèchement que j’avais fort peu d’argent et que je ne risquais pas d’en perdre beaucoup. En rentrant chez moi, j’eus le temps d’apprendre son gain à Paulina, et je lui déclarai que désormais je ne jouerais plus pour elle.
– Pourquoi donc ? demanda-t-elle avec inquiétude.
– Cela me dérange… je veux jouer pour moi.
– Vous avez raison. La roulette est votre salut ! dit-elle avec un sourire moqueur.
– Pré-ci-sé-ment.
Quant à l’espoir de gagner toujours, c’est peut-être ridicule, j’en conviens. Et puis ?… Je demande seulement qu’on me laisse tranquille.
Paulina Alexandrovna m’offrit de partager le gain du jour, en me proposant de continuer à jouer dans ces conditions. Je refusai ; je déclarai qu’il était impossible de jouer pour les autres, que je sentais que je perdrais, que je perdrais sûrement.
– Et pourtant, tout sot que cela soit, moi aussi je n’ai d’espoir que dans la roulette. Il faut donc absolument jouer pour moi. Et je veux que vous partagiez. Vous le ferez.
Elle sortit sans écouter davantage mes observations.

Chapitre 3

Hier, de toute la journée, elle ne me dit pas un mot à propos du jeu. Elle évitait d’ailleurs de me parler. Ses manières étaient changées. Elle me traitait négligemment, me marquant à peine son mépris. Je compris qu’elle se trouvait offensée. Mais, comme elle m’en a averti, elle me ménage encore parce que je lui suis encore nécessaire. Étranges relations, incompréhensibles souvent pour moi, eu égard surtout à son orgueil ordinaire. Elle sait que je l’aime à la folie. Elle me permet même de lui parler de mon amour. Quelle plus profonde marque de mépris que celle-là !
« Tes sentiments me sont si indifférents, que tu peux me les dire ou les taire, cela m’est égal ! »
N’est-ce pas ?
Elle m’entretient souvent de ses propres affaires, mais jamais avec une entière franchise. C’est encore un raffinement de dédain. Elle me sait au courant de certaines circonstances de sa vie, de celles qui l’inquiètent le plus. Elle-même m’a donné certains détails, juste assez pour pouvoir m’utiliser, m’employer comme commissionnaire. Quant à l’enchaînement des événements, je l’ignorerai toujours. Pourtant, si elle me voit inquiet de ses propres inquiétudes, elle daigne me tranquilliser par des demi-franchises, voire par des trois quarts de franchises. Comme si elle ne devait pas, m’employant à des commissions très dangereuses, être avec moi d’une sincérité absolue !
Je connaissais depuis trois semaines son intention de me faire jouer à la roulette, car il n’était pas convenable qu’elle jouât elle-même. À sa physionomie je compris qu’il ne s’agissait pas d’un désir vague, mais d’un besoin très sérieux de gagner de l’argent. Pourtant, à quoi peut donc lui servir l’argent ? Elle doit avoir un but, quelque projet qui m’échappe, c’est-à-dire que j’entrevois, mais dont je ne suis pas sûr. Certes, l’humiliant esclavage qu’elle m’impose me donne le droit de la questionner catégoriquement. Puisque je suis pour elle si peu de chose, elle ne peut s’offenser de ma grossière curiosité. Mais elle me permet bien de la questionner ; seulement, elle ne me répond pas. Quelquefois, elle ne paraît même pas s’apercevoir que je l’interroge.
Hier, nous avons beaucoup parlé du télégramme envoyé, il y a quatre jours, à Pétersbourg et qui est resté jusqu’ici sans réponse. Le général était visiblement inquiet et pensif ; il s’agit évidemment de la babouschka. Le Français s’inquiète aussi. Hier soir, après le dîner, il s’est entretenu longuement et sérieusement avec le général. Avec nous tous il a un ton extraordinairement hautain et méprisant. Vous connaissez le proverbe : « Quand on te permet de t’asseoir à table, tu y mets les pieds. » Même avec Paulina, il montre un sans-gêne qui va jusqu’à la grossièreté. Pourtant, il prend part avec plaisir aux promenades communes, aux cavalcades, aux excursions hors de la ville. Il est lié depuis longtemps...

Table des matières

  1. Chapitre 1
  2. Chapitre 2
  3. Chapitre 3
  4. Chapitre 4
  5. Chapitre 5
  6. Chapitre 6
  7. Chapitre 7
  8. Chapitre 8
  9. Chapitre 9
  10. Chapitre 10
  11. Chapitre 11
  12. Chapitre 12
  13. Chapitre 13
  14. Chapitre 14
  15. Chapitre 15
  16. Chapitre 16
  17. Chapitre 17
  18. Page de copyright