Gatsby le magnifique
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Gatsby le magnifique

Le chef-d'oeuvre de F. Scott Fitzgerald (édition intégrale)

Francis Scott Fitzgerald

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Gatsby le magnifique

Le chef-d'oeuvre de F. Scott Fitzgerald (édition intégrale)

Francis Scott Fitzgerald

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À propos de ce livre

New York, annĂ©es folles...Dans le Long Island des annĂ©es vingt, la fĂȘte est bruyante et la boisson abondante. Surtout chez Jay Gatsby. Aventurier au passĂ© obscur, artiste remarquable par sa capacitĂ© Ă  se crĂ©er un personnage de toute piĂšce, Gatsby, figure solaire par son rayonnement, lunaire par le mystĂšre qu'il gĂ©nĂšre, est rĂ©putĂ© pour les soirĂ©es qu'il donne dans sa somptueuse propriĂ©tĂ©. L'opulence, de mĂȘme que la superficialitĂ© des conversations et des relations humaines, semblent ne pas y avoir de limites. C'est pourquoi l'illusion ne peut ĂȘtre qu'Ă©phĂ©mĂšre.Parmi les invitĂ©s de cet hĂŽte Ă©trange se trouve Nick Carraway, observateur lucide qui seul parvient Ă  dĂ©celer une certaine grandeur chez Gatsby, incarnation de multiples promesses avortĂ©es. Ce roman visuel qui se dĂ©cline dans des tons d'or, de cuivre et d'azur, s'impose Ă©galement comme la chronique d'une certaine Ă©poque vouĂ©e, telle la fĂȘte qui porte en elle son lendemain, Ă  n'ĂȘtre magnifique que le temps d'un air de jazz. --Sana Tang-LĂ©opold Wauters.

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Informations

Éditeur
Books on Demand
Année
2019
ISBN
9782322135646
Édition
1

1

Quand j’étais plus jeune, ce qui veut dire plus vulnĂ©rable, mon pĂšre me donna un conseil que je ne cesse de retourner dans mon esprit :
– Quand tu auras envie de critiquer quelqu’un, songe que tout le monde n’a pas joui des mĂȘmes avantages que toi.
Il n’en dit pas davantage, mais comme lui et moi avons toujours Ă©tĂ© exceptionnellement communicatifs tout en y mettant beaucoup de rĂ©serve, je compris que la phrase impliquait beaucoup plus de choses qu’elle n’en exprimait. En consĂ©quence, je suis portĂ© Ă  rĂ©server mes jugements, habitude qui m’a ouvert bien des natures curieuses, non sans me rendre victime de pas mal de raseurs invĂ©tĂ©rĂ©s. Un esprit anormal est prompt Ă  dĂ©couvrir cette qualitĂ© et Ă  s’y attacher, quand elle se montre chez quelqu’un de normal ; voilĂ  pourquoi, Ă  l’UniversitĂ©, on m’a injustement accusĂ© de politicailler parce que j’étais le confident des chagrins secrets de garçons dĂ©rĂ©glĂ©s et inconnus. La plupart de ces confidences, je ne les avais pas recherchĂ©es – j’ai souvent feint le sommeil, la prĂ©occupation ou une hostile lĂ©gĂšretĂ© quand, Ă  un de ces signes qui ne trompent jamais, je reconnaissais qu’une rĂ©vĂ©lation d’ordre intime pointait Ă  l’horizon ; car d’habitude les rĂ©vĂ©lations intimes des jeunes hommes, ou tout au moins les termes dans lesquels ils les expriment, sont entachĂ©es de plagiat et gĂątĂ©es par de manifestes suppressions. RĂ©server son jugement implique un espoir infini. J’aurais encore un peu peur de rater quelque chose si j’oubliais, comme le suggĂ©rait mon pĂšre avec snobisme et comme avec snobisme je le rĂ©pĂšte ici, que le sentiment des dĂ©cences fondamentales nous est rĂ©parti en naissant d’une maniĂšre inĂ©gale.
Or, ayant fait ainsi Ă©talage de tolĂ©rance, j’en viens Ă  l’aveu que la mienne a ses limites. Notre conduite peut avoir pour fondation un roc dur ou de fluides marĂ©cages, mais passĂ© un certain point, peu me chaut sur quoi elle est fondĂ©e. Quand je rentrai de New-York, l’automne dernier, j’aurais voulu que le monde entier portĂąt un uniforme et se tĂźnt figĂ© dans une sorte de garde Ă  vous moral ; je ne souhaitais plus d’excursions tumultueuses avec coups d’Ɠil privilĂ©giĂ©s dans le cƓur humain. De cette rĂ©action, je n’excluais que Gatsby, l’homme qui donne son nom Ă  ce livre. Gatsby reprĂ©sentait pourtant tout ce Ă  quoi je porte un mĂ©pris dĂ©nuĂ© d’affectation. S’il est vrai que la personnalitĂ© est une suite ininterrompue de gestes rĂ©ussis, il y avait en cet homme quelque chose de magnifique, je ne sais quelle sensibilitĂ© exacerbĂ©e aux promesses de la vie, comme s’il s’apparentait Ă  une de ces machines compliquĂ©es qui enregistrent les tremblements de terre Ă  dix milles de distance. Une telle promptitude Ă  rĂ©agir ne prĂ©sentait rien de commun avec cette mollasse impressionnabilitĂ© qu’on dignifie du nom de « tempĂ©rament crĂ©atif» – c’était un don d’espoir extraordinaire, un romanesque Ă©tat de prĂ©paration aux Ă©vĂ©nements comme jamais je n’en avais trouvĂ© de pareil chez un ĂȘtre humain et comme il n’est guĂšre probable que j’en rencontre de nouveau. Non – en fin de compte, Gatsby se rĂ©vĂ©la sympathique ; c’est ce qui le rongeait, la poussiĂšre empoisonnĂ©e qui se levait derriĂšre ses rĂȘves, qui avait pour un temps fermĂ© mon intĂ©rĂȘt aux chagrins abortifs et aux joies Ă  courte haleine de l’humanitĂ©.
Ma famille se compose de gens connus et Ă  leur aise, Ă©tablis depuis trois gĂ©nĂ©rations dans cette ville du Middle West. Les Carraway forment en quelque sorte un clan et la tradition veut que nous descendions des ducs de Buccleuch, mais le vĂ©ritable fondateur de la lignĂ©e Ă  laquelle j’appartiens fut le frĂšre de mon grand-pĂšre, lequel vint ici en mil huit cent cinquante et un, se fit remplacer pendant la Guerre de SĂ©cession et inaugura le commerce de quincaillerie en gros que mon pĂšre continue Ă  diriger.
Je n’ai jamais vu ce grand-oncle, mais il paraĂźt que je lui ressemble – si l’on en croit surtout le portrait Ă  l’huile pendu dans le bureau de papa oĂč il apparaĂźt sous un aspect inflexible et sceptique. J’obtins mes diplĂŽmes Ă  Yale en 1915, tout juste un quart de siĂšcle aprĂšs mon pĂšre, et un peu plus tard affrontai cette Ă©migration teutonique qu’on rĂ©ussit Ă  endiguer, temporairement du moins, et qu’on a nommĂ©e la Grande Guerre. Je pris tant de plaisir au contre-raid que j’en revins fort agitĂ©. Le Middle West, oĂč je m’attendais Ă  retrouver le centre brĂ»lant du monde, me fit l’effet de n’ĂȘtre que sa lisiĂšre effilochĂ©e – Ă  telles enseignes que je pris la dĂ©cision d’aller Ă  New-York pour y faire mon apprentissage dans une banque d’émission. Tous les jeunes gens que je connaissais travaillaient dans des banques d’émission, ce qui m’autorisa Ă  supposer que le mĂ©tier pouvait nourrir un cĂ©libataire de plus. Mes tantes et mes oncles assemblĂ©s au complet dĂ©battirent la question, comme s’il s’était agi de me choisir une Ă©cole enfantine et firent en fin de compte : « AprĂšs tout, pourquoi pas », avec des visages fort graves et dubitatifs. Mon pĂšre consentit Ă  m’entretenir pendant une annĂ©e et, aprĂšs divers retards, je me rendis dans l’Est pour toujours, du moins je le croyais, au printemps de l’an 1922.
Le bon sens aurait voulu que je cherchasse un logement Ă  New-York, mais la saison Ă©tait chaude et je venais de quitter une ville pleine de larges pelouses et d’arbres fraternels. Aussi, lorsqu’un de mes jeunes camarades de bureau suggĂ©ra que nous prissions ensemble une maison dans la banlieue, la proposition me sembla-t-elle gĂ©niale. Il trouva la maison, un bungalow en carton-pĂąte fatiguĂ© par les intempĂ©ries, d’un loyer de quatre-vingts dollars par mois, mais Ă  la derniĂšre minute, la firme l’envoya Ă  Washington et j’allai Ă  la campagne tout seul. J’avais un chien – du moins je l’eus pendant quelques jours jusqu’à ce qu’il prĂźt la clef des champs – une vieille auto Dodge et une Finlandaise qui faisait mon lit, prĂ©parait mon petit dĂ©jeuner et marmottait des proverbes finnois, en s’affairant devant le fourneau Ă©lectrique.
Je me sentis assez dĂ©paysĂ© pendant un jour ou deux, jusqu’à ce qu’un matin, un homme plus rĂ©cemment arrivĂ© que moi m’arrĂȘta sur la route.
– Le village de West-Egg, je vous prie ? me demanda-t-il, dĂ©sorientĂ©.
Je le renseignai. Et, continuant mon chemin, je ne me sentis plus dĂ©paysĂ©. J’étais un guide, un indicateur de routes, un des premiers colons. Sans s’en douter, cet homme m’avait confĂ©rĂ© le droit de citĂ© dans le patelin.
Si bien qu’avec le soleil et les grandes poussĂ©es de feuilles qui croissaient sur les arbres Ă  l’allure dont grandissent les choses dans les films Ă  mouvement accĂ©lĂ©rĂ©, je ressentis cette conviction bien connue que la vie recommençait Ă  neuf avec l’étĂ©.
En premier lieu, il y avait tant de livres Ă  lire, tant de belle santĂ© Ă  cueillir aux branches de l’air jeunet et dispensateur de souffle. J’achetai une dizaine de tomes traitant des affaires bancaires, de crĂ©dits, de placements, qui s’alignĂšrent en rouge et or, sur une planchette, comme du numĂ©raire frais Ă©moulu de la Monnaie, promettant de me rĂ©vĂ©ler de reluisants secrets exclusivement connus de Midas, Morgan et MĂ©cĂšne. D’ailleurs je nourrissais sĂ©rieusement l’intention de lire bien d’autres livres encore. Au collĂšge j’avais Ă©tĂ© assez fĂ©ru de littĂ©rature – une annĂ©e entiĂšre j’avais Ă©crit pour le Yale News une sĂ©rie d’articles de fond, fort solennels et totalement dĂ©pourvus de subtilitĂ© – et maintenant j’allais rĂ©incorporer Ă  ma vie toutes les choses de cet ordre et redevenir un de ces si rares spĂ©cialistes : « l’homme d’un talent universel. » Ceci n’est pas qu’une Ă©pigramme – aprĂšs tout on obtient beaucoup plus de succĂšs quand on regarde la vie par une seule fenĂȘtre.
C’est tout Ă  fait par hasard que la maison que j’avais louĂ©e se trouvait situĂ©e dans une des plus Ă©tranges communautĂ©s de l’AmĂ©rique du Nord. Elle s’élevait sur cette Ăźle mince et turbulente qui s’allonge Ă  l’est de New-York – et oĂč, entre autres curiositĂ©s naturelles, on remarque deux formations de terrain peu ordinaires. À vingt milles de la grande citĂ©, une paire d’Ɠufs Ă©normes, identiques quant au contour et sĂ©parĂ©s seulement par une baie, ainsi nommĂ©e par pure courtoisie, s’avancent dans la nappe d’eau salĂ©e la plus apprivoisĂ©e de l’hĂ©misphĂšre occidental, cette vaste basse-cour humide qu’on appelle le dĂ©troit de Long-Island. Il ne s’agit point d’ovales parfaits – comme l’Ɠuf de Christophe Colomb, ils sont tous deux aplatis au bout de contact – mais leur ressemblance physique doit ĂȘtre une source de confusion perpĂ©tuelle pour les mouettes qui volent au-dessus d’eux. Pour les ĂȘtres sans ailes, un phĂ©nomĂšne plus intĂ©ressant est leur dissemblance en tout ce qui n’est point forme et grandeur.
Je demeurais Ă  West-Egg – l’Ɠuf occidental – qui est, avouons-le, le moins chic des deux, bien que ce soit lĂ  une Ă©tiquette des plus superficielles pour exprimer le contraste bizarre et assez sinistre qui existe entre eux. Ma maison se trouvait Ă  la pointe extrĂȘme de l’Ɠuf, Ă  cinquante yards Ă  peine du dĂ©troit, et resserrĂ©e entre deux Ă©normes bĂątisses qu’on louait douze ou quinze mille dollars pour la saison. Celle que j’avais Ă  ma droite Ă©tait un monument colossal, quel que soit l’étalon d’aprĂšs lequel on veuille la juger – de fait, c’était une copie de je ne sais quel hĂŽtel de ville normand avec une tour Ă  un de ses angles, d’une jeunesse saisissante sous sa barbe de lierre cru, une piscine de marbre et plus de vingt hectares de pelouses et de jardins. C’était le chĂąteau de Gatsby. Ou, pour mieux dire, Ă©tant donnĂ© que je ne connaissais point M. Gatsby, c’était un chĂąteau habitĂ© par un gentleman de ce nom. Quant Ă  ma maison, elle offensait la vue, mais en petit, et on l’avait oubliĂ©e lĂ , de sorte que j’avais vue sur la mer, vue en partie sur la pelouse de mon voisin et la consolante proximitĂ© de millionnaires – le tout pour quatre-vingts dollars par mois.
De l’autre cĂŽtĂ© de la petite baie, les blancs palais du fashionable East-Egg Ă©tincelaient au bord de l’eau, et l’historique de cet Ă©tĂ© commence rĂ©ellement le soir oĂč je pris le volant pour y aller dĂźner avec les Tom Buchanan. Daisy Ă©tait ma cousine Ă©loignĂ©e, j’avais connu Tom Ă  l’UniversitĂ©, et, tout de suite aprĂšs la guerre, j’avais passĂ© deux jours avec eux Ă  Chicago.
Parmi d’autres prouesses d’ordre physique, le mari avait Ă©tĂ© un des plus puissants athlĂštes qui eussent jamais jouĂ© au rugby Ă  Yale – un personnage jouissant en quelque sorte d’une renommĂ©e nationale, un de ces hommes qui, Ă  21 ans, atteignent Ă  un degrĂ© d’excellence si aigu, quoique d’un ordre limitĂ©, que tout ce qu’ils font par la suite a la saveur d’un contre-effet. Sa famille Ă©tait fabuleusement riche – mĂȘme au collĂšge sa prodigalitĂ© Ă©tait un sujet de reproche – mais maintenant il avait quittĂ© Chicago et Ă©tait venu Ă  New-York dans un Ă©quipage Ă  couper la respiration. Un exemple : il avait apportĂ© de Lake-Forest toute une Ă©curie de poneys pour jouer au polo. On avait peine Ă  se convaincre qu’un homme de son Ăąge pouvait ĂȘtre assez riche pour s’offrir un luxe pareil.
J’ignore pourquoi les Buchanan Ă©taient venus dans l’Est. Ils avaient passĂ© une annĂ©e en France sans motif dĂ©fini ; puis ils avaient errĂ© de-ci delĂ , irrĂ©solument, partout oĂč des gens jouaient au polo et Ă©taient riches ensemble. Daisy m’avait dit par tĂ©lĂ©phone qu’ils s’étaient installĂ©s Ă  East-Egg de façon permanente, mais je n’en crus rien – j’ignorais tout des dispositions de Daisy, mais je sentais que Tom vagabonderait indĂ©finiment, cherchant, avec un peu de nostalgie, la turbulence dramatique de quelque partie de ballon, Ă  laquelle il ne devait jamais prendre part.
C’est ainsi que par une chaude et venteuse fin d’aprĂšs-midi j’allai Ă  East-Egg voir deux vieux amis que je connaissais Ă  peine. La somptuositĂ© de leur logis dĂ©passa mon attente – c’était une demeure de l’époque coloniale, blanche et rouge, trĂšs gaie, qui dominait la baie. La pelouse naissait sur la plage mĂȘme et courait, pendant un quart de mille, vers la porte d’entrĂ©e, sautant par-dessus cadrans solaires, sentiers pavĂ©s de briques et jardins flamboyants, pour se briser enfin contre le mur en Ă©clatantes gerbes de vigne vierge, comme emportĂ©e par son Ă©lan. La monotonie de la façade Ă©tait rompue par une rangĂ©e de portes-fenĂȘtres, Ă©tincelantes Ă  cette heure de l’or qu’elles reflĂ©taient et grandes ouvertes au vent du chaud aprĂšs-midi. En habit de cheval, Tom Buchanan Ă©tait plantĂ©, les jambes Ă©cartĂ©es, sur le perron.
Il avait changĂ© depuis Yale. C’était Ă  prĂ©sent un robuste garçon de trente ans, aux cheveux paille, avec une bouche assez dure et des maniĂšres hautaines. Brillants d’arrogance, ses yeux occupaient Ă  prĂ©sent une place prĂ©pondĂ©rante dans sa physionomie ; ils lui donnaient l’air de toujours se pencher en avant d’un air agressif. Le chic effĂ©minĂ© de son costume ne parvenait pas Ă  dissimuler l’énorme puissance de ce corps : il semblait gonfler ses bottes brillantes Ă  en faire craquer les boucles et l’on voyait bouger de grosses boules de muscles chaque fois que son Ă©paule remuait sous son mince veston. C’était un corps capable, comme on dit en langage de mĂ©canique, d’un « moment » formidable – un corps cruel.
Quand il parlait, sa voix, qui Ă©tait celle d’un aigre tĂ©norino enrouĂ©, accentuait encore l’impression de combativi...

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