Terres vierges
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Terres vierges

Ivan SergueĂŻevitch Tourgueniev

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Terres vierges

Ivan SergueĂŻevitch Tourgueniev

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À propos de ce livre

1868, St PĂ©tersbourg, un groupe de jeunes gens, petit cercle politique, attendent le propriĂ©taire des lieux, NĂ©jdanof. Celui-ci est engagĂ©, Ă  la suite d'une annonce sur le journal, pour ĂȘtre le prĂ©cepteur du fils du conseiller privĂ©, Sipiaguine. Nous pĂ©nĂ©trons dans la vie de ce dernier personnage et de NĂ©jdanof, et ainsi les arcanes politiques de la Russie d'alors. Tout le rĂ©cit est parsemĂ© de portraits colorĂ©s, dans un style trĂšs fluide Ă  la lecture.

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Informations

Éditeur
Books on Demand
Année
2021
ISBN
9782322408733
Édition
1

XIX

Fomouchka et Fimouchka, c’est-Ă -dire Foma (Thomas) LavrentiĂ©vitch et Evfimie (EuphĂ©mie) Pavlovna Soubotchef, qui appartenaient tous deux, par leur naissance, Ă  la petite noblesse fonciĂšrement russe, Ă©taient Ă  peu prĂšs les plus vieux habitants de la ville de S

MariĂ©s trĂšs-jeunes, ils Ă©taient venus s’établir, depuis un temps presque immĂ©morial, dans la maison de bois de leurs aĂŻeux, situĂ©e Ă  l’extrĂ©mitĂ© de la ville ; jamais ils n’en Ă©taient sortis pour voyager, et jamais ils n’avaient modifiĂ© en rien leurs habitudes ni leur genre de vie. Le temps semblait avoir cessĂ© de marcher pour eux ; aucune « nouveautĂ© » ne franchissait les limites de leur « oasis ».
Ils n’étaient guĂšre riches, mais, plusieurs fois chaque annĂ©e, leurs paysans venaient, comme au temps du servage, leur apporter de la volaille et des provisions ; Ă  l’époque fixĂ©e, le staroste de leur village venait prĂ©senter l’obrok[1] et une couple de gelinottes, soi-disant tuĂ©es dans la forĂȘt des seigneurs, forĂȘt qui en rĂ©alitĂ© n’existait plus depuis longtemps ; ils invitaient le staroste Ă  prendre le thĂ© sur le seuil du salon, lui faisaient cadeau d’un bonnet en astrakan, d’une paire de gants verts en peau de daim, et lui souhaitaient un bon voyage.
Leur maison Ă©tait pleine de « dvoroviĂ© » (gens de service), selon l’ancienne coutume. Le vieux domestique Kalliopytch, vĂȘtu d’une camisole Ă  col droit, faite d’un drap extraordinairement Ă©pais et fermĂ©e par de petits boutons en cuivre, annonçait, comme jadis, d’une voix solennelle et traĂźnante, que « le dĂźner Ă©tait servi », et s’endormait debout derriĂšre le siĂšge de sa maĂźtresse. Il avait le buffet sous sa garde : il administrait « les diffĂ©rents bocaux, cardamomes et citrons ».
Quand on lui demandait s’il n’avait pas entendu parler de l’affranchissement des serfs, il rĂ©pondait invariablement qu’il se dit bien des bĂȘtises de par le monde ; que c’est chez les Turcs qu’il y a la libertĂ©, et que, quant Ă  lui, grĂące Ă  Dieu, ça l’a Ă©pargnĂ© jusqu’à prĂ©sent.
Il y avait dans la maison une naine, Poufka, destinĂ©e Ă  l’amusement des maĂźtres. La vieille bonne Vassilievna venait Ă  l’heure du dĂźner, – coiffĂ©e d’un grand mouchoir foncĂ©, – et, d’une voix chevrotante, parlait de tout ce qu’il y avait de nouveau : de NapolĂ©on Ier, de la guerre de 1812, de l’antechrist, des nĂšgres blancs ; quelquefois, le menton appuyĂ© sur la paume de la main, dans une attitude dolente, elle racontait les songes qu’elle avait eus, et elle les interprĂ©tait ; elle disait aussi ce qu’elle avait vu dans les cartes.
La maison mĂȘme des Soubotchef diffĂ©rait de toutes les autres maisons de la ville : elle Ă©tait entiĂšrement construite en chĂȘne, avec des fenĂȘtres exactement carrĂ©es, dont les doubles chĂąssis Ă©taient Ă  demeure, Ă©tĂ© comme hiver. Elle Ă©tait remplie de toutes sortes de chambrettes, de cabinets, de coins et de recoins, de perrons Ă  balustrades, de petites soupentes soutenues par des colonnettes en bois tournĂ©, de cabinets noirs et de corridors.
Devant la maison, il y avait un enclos ; derriĂšre, un jardin ; – et ce jardin Ă©tait tout rempli de granges Ă  paille, de cabanes pour les dĂ©barras, de hangars, de caves, de glaciĂšres, un vrai nid, quoi ! Il n’y avait pas grand approvisionnement dans ces constructions ; quelques-unes mĂȘme Ă©taient tombĂ©es en ruine ; mais c’était ancien et on n’y touchait pas.
Les Soubotchef n’avaient que deux chevaux, extrĂȘmement vieux, tout velus, le dos ensellĂ© ; l’un Ă©tait si caduc qu’il en avait des plaques de poils blancs sur le corps, et s’appelait l’Immobile. On les attelait, – une fois par mois tout au plus – Ă  un Ă©quipage Ă©trange connu de toute la ville, fort semblable Ă  un globe terrestre dont on aurait coupĂ© le quart antĂ©rieur ; le dedans Ă©tait garni, d’une Ă©toffe jaune, d’importation Ă©trangĂšre, et parsemĂ©e d’une multitude de petits pois en relief qui avaient l’air de verrues. Le dernier coupon de cette Ă©toffe avait dĂ» ĂȘtre tissĂ© Ă  Utrecht ou Ă  Lyon, Ă  l’époque de l’impĂ©ratrice Élisabeth.
Le cocher Ă©tait un bonhomme extraordinairement vieux aussi, tout saturĂ© de l’odeur de graisse Ă  cuir et de goudron ; sa barbe lui poussait dessous les yeux, et ses sourcils retombaient en petites cascades sur cette large barbe. Il Ă©tait si lent dans ses mouvements, qu’il mettait cinq bonnes minutes Ă  prendre une prise, deux minutes Ă  passer son fouet dans sa ceinture, et plus de deux heures Ă  atteler l’Immobile. Avec cela on l’appelait Perfichka[2].
Quand les Soubotchef se trouvaient en voiture, et que le chemin allait en montant le moins du monde, ils Ă©taient pris de peur (c’était du reste exactement la mĂȘme chose quand le chemin descendait), – ils s’accrochaient des deux mains aux courroies, et rĂ©citaient Ă  haute voix une sorte d’incantation : « Aux chevaux, aux chevaux, la force de Samuel ; Ă  nous, Ă  nous, la lĂ©gĂšretĂ© du duvet ! »
Toute la ville les regardait comme des originaux, peut-ĂȘtre presque comme des fous ; eux-mĂȘmes sentaient bien qu’ils ne suivaient pas les usages d’à prĂ©sent
 mais ils s’en inquiĂ©taient peu. Ils vivaient absolument comme on vivait Ă  l’époque oĂč ils Ă©taient nĂ©s, oĂč ils avaient grandi, oĂč ils s’étaient mariĂ©s. Sur un seul point, ils s’écartaient des vieilles coutumes : jamais, au grand jamais, ils n’avaient fait poursuivre ni puni personne. Quand un de leurs gens se trouvait ĂȘtre un ivrogne ou un voleur fieffĂ©, ils commençaient par le supporter longuement, patiemment, – comme on supporte le mauvais temps, – avant de se rĂ©soudre Ă  se dĂ©barrasser de lui, Ă  le colloquer chez d’autres maĂźtres : « Chacun son tour, disaient-ils ; c’est aux autres Ă  le supporter un peu maintenant ! »
Mais cette calamitĂ© leur arrivait trĂšs-rarement, si rarement que cela faisait Ă©poque dans leur existence. Ils disaient, par exemple : « Il y a bien longtemps de cela ; c’était Ă  l’époque oĂč nous avions ce mauvais sujet d’Aldochka, » ou encore « Ă  l’époque oĂč l’on nous a volĂ© le bonnet de fourrure Ă  queue de renard, qui avait appartenu Ă  grand-pĂšre. » Chez les Soubotchef, on pouvait trouver encore des bonnets de cette forme-lĂ .
Il y avait un autre trait caractĂ©ristique des mƓurs d’autrefois, qui manquait aux deux Ă©poux : ni Fomouchka, ni Fimouchka, n’étaient trĂšs-religieux. Fomouchka se piquait mĂȘme d’ĂȘtre un voltairien, et les prĂȘtres inspiraient une frayeur mortelle Ă  Fimouchka, qui prĂ©tendait qu’ils avaient le mauvais Ɠil.
« Un pope vient me voir ! disait-elle ; il n’est pas restĂ© longtemps, et pourtant
 bon ! voilĂ  que la crĂšme a tournĂ©. »
Ils allaient rarement Ă  l’église et ne faisaient maigre qu’à la façon des catholiques, qui se permettent les Ɠufs, le beurre et le lait. On savait cela dans la ville, et, naturellement, leur rĂ©putation n’en Ă©tait pas meilleure. Mais rien ne rĂ©sistait Ă  leur bontĂ©, et, malgrĂ© les railleries qu’on n’épargnait pas aux deux originaux, malgrĂ© le nom de bienheureux, d’innocents, qu’on leur donnait, ils Ă©taient respectĂ©s de tous.
Oui, on les respectait, mais on ne leur faisait pas de visites, ce qui d’ailleurs ne les chagrinait guĂšre. Ils ne s’ennuyaient jamais en tĂȘte-Ă -tĂȘte ; c’est pourquoi ils vivaient toujours ensemble et ne dĂ©siraient pas d’autre sociĂ©tĂ©.
Ni Fomouchka ni Fimouchka n’avaient jamais Ă©tĂ© malades, et, si l’un d’eux se sentait lĂ©gĂšrement indisposĂ©, ils prenaient tous deux une infusion de tilleul, ou se frottaient les reins avec de l’huile tiĂšde, ou se versaient de la graisse fondue sur la plante des pieds, et l’indisposition Ă©tait promptement guĂ©rie.
L’emploi de leur journĂ©e ne variait jamais. Ils se levaient tard, ils prenaient du chocolat le matin dans de petites tasses semblables Ă  des mortiers : « le thĂ©, assuraient-ils, n’était pas encore Ă  la mode, de notre temps ; » ils s’asseyaient en face l’un de l’autre, causaient (les sujets ne leur manquaient jamais) – ou lisaient le Passe-temps agrĂ©able, le Miroir du monde, les Aonides, ou feuilletaient un vieil album reliĂ© en maroquin rouge Ă  bordure d’or, qui avait appartenu jadis, comme en faisait foi une inscription manuscrite, Ă  une certaine madame Barbe de Kabiline. Quand et comment cet album Ă©tait tombĂ© entre leurs mains, c’est ce qu’eux-mĂȘmes avaient oubliĂ©.
Cet album contenait quelques poĂ©sies françaises, un assez grand nombre de poĂ©sies russes ou d’articles en prose dont pourra donner une idĂ©e cette courte rĂ©flexion sur « CĂ©cĂ©ron » :
« Dans quelle disposition d’esprit CĂ©cĂ©ron accepta le grade de questeur, c’est ce qu’il explique lui-mĂȘme ainsi qu’il suit : « Ayant pris les dieux Ă  tĂ©moin de la puretĂ© de ses sentiments dans tous les grades dont il avait Ă©tĂ© honorĂ© jusque-lĂ , il se considĂ©ra comme liĂ© par les liens les plus sacro-saints Ă  remplir dignement lesdits grades ; et, dans cette intention, non-seulement il ne se laissa pas entraĂźner, lui, CĂ©cĂ©ron, aux douceurs de l’infraction aux lois, mais il Ă©vita mĂȘme avec un soin extrĂȘme les amusements qui sembleraient ĂȘtre les plus parfaitement indispensables. »
Au-dessous, on lisait : « Écrit en SibĂ©rie, parmi les rigueurs de la faim et du froid. »
Il y avait aussi une piĂšce de vers trĂšs-curieuse, intitulĂ©e Tircis, oĂč l’on trouvait des strophes comme celles-ci :
Le calme rùgne sur l’univers,
La rosée avec agrément brille,
Elle caresse et rafraĂźchit la nature.
Et lui donne une nouvelle vie.
Seul, Tircis, l’ñme oppressĂ©e,
Souffre, se tourmente et s’afflige

Quand l’aimable Annette n’est pas auprùs de lui,
Rien ne peut l’égayer !
Et un impromptu écrit en passant par un capitaine, « le sixiÚme jour du mois de mai 1790. »
Je ne t’oublierai jamais,
Ô toi, agrĂ©able campagne !
Et je garderai un Ă©ternel souvenir
Du temps qui a coulé si agréablement !
Ce temps que j’ai eu l’honneur
De passer chez ta propriétaire
Pendant les cinq meilleurs jours de ma vie,
Dans le cercle le plus respectable,
Au milieu de beaucoup de dames et de demoiselles,
Et d’autres intĂ©ressants personnages !
La derniĂšre page de l’album contenait, outre des poĂ©sies, des recettes contre les maux d’estomac, les spasmes et mĂȘme, hĂ©las ! contre les vers.
Les Soubotchef dĂźnaient Ă  midi prĂ©cis et ne mangeaient que des mets d’autrefois : beignets de lait caillĂ©, soupe aigre aux concombres, viande hachĂ©e Ă  la crĂšme et Ă  l’ail, bouillie de blĂ© noir, pĂątĂ© de poissons, poule au safran, flans au miel. AprĂšs le dĂźner, ils faisaient la sieste, – une heure...

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