Louis Liénard de Beaujeu de Villemonde[], officier canadien
(Canada, 1716 â Canada, 1802)
Un jeune militaire de bonne famille â de promotion en promotion â la mort frappe Ă plusieurs reprises â commandant au poste de Michilimackinac â quitte son poste aprĂšs la capitulation de MontrĂ©al â un long pĂ©riple jusquâen Louisiane â La Nouvelle-OrlĂ©ans devient espagnole â de retour au Canada â une derniĂšre lutte contre les AmĂ©ricains.
SurnommĂ© « le vieux lion[] » Ă la fin de sa vie, Louis LiĂ©nard de Beaujeu de Villemonde[] est prĂ©sentĂ© par Philippe Aubert de GaspĂ© comme un « brave et vaillant officier canadien[] ». Effectivement, Beaujeu reprĂ©sente parfaitement le milieu qui lâa vu naĂźtre : un membre de la noblesse canadienne qui sâest taillĂ© une place importante au sein des Compagnies franches de la Marine. Toutefois, la perte du Canada Ă la fin de la guerre de Sept Ans entraĂźnera la perte de son acquis.
Beaujeu naĂźt le 16 septembre 1716 Ă MontrĂ©al dans une famille de militaires. Son pĂšre, le capitaine Louis de Beaujeu, Ă©tait arrivĂ© au Canada en 1697 et avait Ă©pousĂ© ThĂ©rĂšse Migeon de Branssat (ou Bransac) le 6 septembre 1706. Louis est le septiĂšme dâune famille dâune dizaine dâenfants. Suivant la tradition familiale, il embrasse une carriĂšre militaire et devient enseigne en second dans les troupes de la marine en 1732[]. Il gravit rapidement les rangs : en 1738, il devient enseigne en pied avant dâatteindre le grade de lieutenant en 1744[]. On lui confie tour Ă tour le commandement des postes de Kaministiquia et Michipicoton pendant les annĂ©es 1750[]. Son influence auprĂšs des peuples autochtones est rapidement connue. DĂšs 1751, selon le gouverneur La JonquiĂšre, il « est parvenu Ă rĂ©tablir la tranquillitĂ© parmi les Indiens de son poste [Ă Michipicoton] et Ă les empĂȘcher dâaller en guerre contre les Sioux [âŠ][] ». La mĂȘme annĂ©e, Beaujeu est nommĂ© capitaine et enfin, en 1759, il reçoit la croix de lâOrdre militaire et royal de Saint-Louis, tout comme son pĂšre[].
La situation personnelle de lâofficier sâamĂ©liore Ă©galement : en 1754, il achĂšte de Joseph Maillou (Mailloux) une maison de pierre « situĂ©e en la haute ville dudit QuĂ©bec, rue Saint-Louis, contenant quarante pieds de front [âŠ], sur cent vingt-trois pieds de profondeur [âŠ][] ». Sa femme y demeurera sans doute tandis quâil sera en poste dans le pays dâen haut. LâannĂ©e suivante, il obtient une seigneurie sur les rives du lac Champlain, « quatre lieues de front, sur quatre lieues de profondeur, avec les Ăźles et les Ăźlots qui se trouveront au-devant dudit terrain[] ». Toutefois, il nâobtiendra jamais la confirmation royale de cette terre, sans doute Ă cause de la guerre de Sept Ans[].
MalgrĂ© ses promotions Beaujeu vit des moments difficiles : la mort le hante non seulement sur les champs de bataille, mais Ă©galement dans son propre foyer. Il se marie une premiĂšre fois Ă QuĂ©bec, le 18 juillet 1747, avec Louise Charlotte Cugnet. Cette derniĂšre meurt tragiquement de complications liĂ©es Ă la naissance de leur fille unique, Julie-Louise. Le 22 fĂ©vrier 1753[], Beaujeu se marie une deuxiĂšme fois Ă QuĂ©bec. Ce mariage resserre ses liens avec lâĂ©lite, car il Ă©pouse Marie GeneviĂšve Le Moyne de Longueuil Soulanges[], fille de Paul-Joseph Le Moyne, chevalier de Longueuil, lieutenant du roi de QuĂ©bec[]. Dix enfants naĂźtront de cette union, dont au moins quatre dĂ©cĂ©deront Ă la naissance ou en bas Ăąge[]. Toutefois, la mort qui le marque davantage sur le plan professionnel est celle de son frĂšre aĂźnĂ©, Daniel-Hyacinthe, en 1755[]. La mort du « hĂ©ros de MonongahĂ©la[] », comme on le surnommera, confĂšre Ă Louis les droits et les honneurs en tant que le nouvel aĂźnĂ© de la famille. Vaudreuil Ă©crit Ă son sujet en 1758 :
ce capitaine a toujours bien servi, [âŠ] et a marquĂ© beaucoup de zĂšle dans tous les dĂ©tachements quâil a commandĂ© sur le lac Saint-Sacrement. Il est maintenant commandant au poste de Michillimakinac, les sauvages mâayant tĂ©moignĂ© le dĂ©sir de lâavoir en mĂ©moire de feu son frĂšre qui fut tuĂ© dans le combat quâil livra Ă lâarmĂ©e du gĂ©nĂ©ral Braddock en 1755[].
Effectivement, dĂšs 1757, Beaujeu se trouve Ă ce poste en permanence[]. FondĂ© en 1715, le fort Michilimackinac est le plus important lieu de traite des Grands Lacs, contrĂŽlant le delta entre les lacs Michigan et Huron. Lorsque la guerre en AmĂ©rique Ă©clate en 1754, la rĂ©gion fournit de nombreux guerriers amĂ©rindiens et mĂ©tis. Alors que Beaujeu mĂšne des opĂ©rations sur le corridor des lacs Champlain et Saint-Sacrement pendant les premiĂšres annĂ©es du conflit, Charles-Michel Mouet de Langlade[], son second et lui-mĂȘme un mĂ©tis outaouais, semble prendre sa relĂšve[].
Langlade se retrouve dâailleurs Ă MontrĂ©al au dĂ©but de septembre 1760. Les forces du chevalier de LĂ©vis et du gouverneur Vaudreuil sây rassemblent pour dĂ©fendre la ville du siĂšge britannique qui se prĂ©pare. Toutefois, lâĂ©tat-major ne peut compter que sur environ 2 000 soldats. AbandonnĂ© par les miliciens canadiens et entourĂ© par 17 000 soldats britanniques, Vaudreuil nâa dâautres choix que dâabandonner et de capituler en ce jour fatidique du 8 septembre 1760. Il ne reste plus au gouverneur quâĂ transmettre la nouvelle Ă tous ses officiers Ă lâintĂ©rieur du continent, en particulier Ă ceux des forts DĂ©troit et Michilimackinac. Une lettre dâinstruction doit ĂȘtre remise Ă Beaujeu :
à Montréal le 9 7bre 1760.
Je vous apprends, Monsieur, que jâai Ă©tĂ© dans la nĂ©cessitĂ© de capituler hier avec lâArmĂ©e du GĂ©nĂ©ral Amherst.
Cette Ville est comme vous savez sans défense. Nos troupes étoient considérablement diminuées, nos moyens et nos ressources totalement épuisées.
Nous étions entourés par trois armées qui réunies forment au moins 30 mille hommes.
Le général Amherst étoit du 6 de ce mois à la vue des murs de cette Ville.
Le gĂ©nĂ©ral Murray Ă portĂ©e dâun de nos faubourgs.
Et lâarmĂ©e du Lac Champlain Ă©toit Ă la Prairie et Ă Longueuil.
Dans ces circonstances ne pouvant rien espĂ©rer des efforts ni mĂȘme du sacrifice des troupes, jâai pris sagement le parti de capituler avec le gĂ©nĂ©ral Amherst Ă des conditions trĂšs avantageuses pour les colons et particuliĂšrement pour les habitants poste de Michilimackinac.
En effet ils conservent le libre exercice de leur Religion, ils sont maintenant dans la possession de leurs biens, meubles, immeubles et de leurs pelleteries, ils ont aussi le commerce libre tout comme les propres sujets du Roi de la Grande-Bretagne.
M. Beaujeu Ă Michilimackinac
Les mĂȘmes conditions sont accordĂ©es aux militaires et ils peuvent commettre des procureurs pour user en leur absence de leurs droits, eux et tous les citoyens en gĂ©nĂ©ral peuvent vendre aux Anglois ou aux François leurs biens, en faire passer le produit en France ou lâemporter avec Eux, sâils jugent Ă propos de sây retirer Ă la Paix.
Ils conservent leurs NÚgres et Panis mais ils sont obligés de vendre ceux qui ont été pris aux Anglois.
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