De préférence la nuit
eBook - ePub

De préférence la nuit

Stanley PĂ©an

Partager le livre
  1. 274 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

De préférence la nuit

Stanley PĂ©an

DĂ©tails du livre
Aperçu du livre
Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

Quand le jazz est lĂ , Stanley PĂ©an n'est pas loin qui hume, admire, se livre Ă  la passion de cette musique qui s'Ă©coute de prĂ©fĂ©rence la nuit. L'Ă©crivain et l'homme de radio forment un duo pour entrer Ă  pas cadencĂ©s dans l'univers enivrant de ces musiques et dans le monde troublant de ces musiciens dont les vies furent exaltantes et tragiques, Ă©thyliques et dĂ©vouĂ©es, inspirĂ©es et cahotantes, tristes et triomphales.Qu'est-ce que le jazz? La question est aussi ancienne que cette musique. Il y a autant de rĂ©ponses qu'il y a de musiciens jazz, mais ceux-ci prĂ©fĂšrent gĂ©nĂ©ralement laisser parler les notes. Si Stanley PĂ©an se risque Ă  l'Ă©criture, c'est pour mieux retourner Ă  l'Ă©coute. Ce recueil n'a donc pas pour vocation de dissĂ©quer et de dĂ©finir les multiples esthĂ©tiques du jazz ni de convaincre qui que ce soit de leur valeur. L'auteur s'intĂ©resse plutĂŽt aux propos qu'on tient sur le jazz et sur quelques-uns de ses artisans parmi les plus illustres, Ă  la reprĂ©sentation qu'on en donne dans des Ɠuvres de crĂ©ation, qu'elles fussent cinĂ©matographiques, littĂ©raires ou thĂ©Ăątrales.Stanley PĂ©an raconte des trajectoires de vie, entremĂȘle musique, littĂ©rature et cinĂ©ma, prend la mesure d'un art aussi fertile et dĂ©routant que le siĂšcle qui l'a vu naĂźtre. En point d'orgue, « Black and Blue », un rappel de l'histoire des Afro-AmĂ©ricains dans laquelle ont surgi et grandi en mesure leurs dolĂ©ances musicales. À l'image du jazz, ces essais sont spontanĂ©s et rĂ©flĂ©chis, organiques et raffinĂ©s.

Foire aux questions

Comment puis-je résilier mon abonnement ?
Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramĂštres et de cliquer sur « RĂ©silier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez rĂ©siliĂ© votre abonnement, il restera actif pour le reste de la pĂ©riode pour laquelle vous avez payĂ©. DĂ©couvrez-en plus ici.
Puis-je / comment puis-je télécharger des livres ?
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l’application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Quelle est la différence entre les formules tarifaires ?
Les deux abonnements vous donnent un accĂšs complet Ă  la bibliothĂšque et Ă  toutes les fonctionnalitĂ©s de Perlego. Les seules diffĂ©rences sont les tarifs ainsi que la pĂ©riode d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous Ă©conomiserez environ 30 % par rapport Ă  12 mois d’abonnement mensuel.
Qu’est-ce que Perlego ?
Nous sommes un service d’abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Prenez-vous en charge la synthÚse vocale ?
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Est-ce que De préférence la nuit est un PDF/ePUB en ligne ?
Oui, vous pouvez accĂ©der Ă  De prĂ©fĂ©rence la nuit par Stanley PĂ©an en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Mezzi di comunicazione e arti performative et Musica jazz. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages Ă  dĂ©couvrir dans notre catalogue.

Informations

Almost Blue
L’image en noir et blanc hautement contrastĂ©e nous montre une foule enthousiaste et bruyante, qui salue par des applaudissements et des bravos l’artiste qui s’adresse Ă  elle d’une voix traĂźnante, une voix de junkie.
« Eh bien, nous en sommes Ă  ce moment de la soirĂ©e oĂč il ne nous reste plus beaucoup de temps », explique Chet Baker, cadrĂ© en plan rapprochĂ© poitrine, avec une sorte de sourire empreint de malaise. « La chanson s’intitule “Almost Blue”, et nous apprĂ©cierions si vous pouviez ĂȘtre un peu plus calmes parce que, vous savez, c’est ce genre de chanson là
 »
Nous assistons ici Ă  la fin d’une rĂ©ception donnĂ©e dans la foulĂ©e de la premiĂšre de Broken Noses, moyen mĂ©trage sur la boxe rĂ©alisĂ© par le photographe et documentariste Bruce Weber, au Festival du film de Cannes en 1987. Chet n’a guĂšre plus qu’une vague ressemblance avec ce jeune premier excessivement photogĂ©nique dont les portraits signĂ©s par son ami William Claxton avaient immortalisĂ© l’apollinienne beautĂ© trente ans plus tĂŽt.
Hors champ, le pianiste Frank Strazzeri attaque l’intro mĂ©lancolique de ce standard contemporain signĂ© Elvis Costello. Chet s’assied sur son banc, trompette dans une main, micro dans l’autre. À la vue en gros plan de son visage parcheminĂ© par les Ă©preuves et les excĂšs, on lui donnerait volontiers une vingtaine d’annĂ©es de plus que ses cinquante-huit ans. Au milieu de nids de rides profondes, il garde fermĂ©s ses yeux qui du coup prennent l’apparence de deux petits gouffres sous ses sourcils.
Alors que la soirée et le film tirent à leur fin, il entonne ces vers douloureusement beaux de Costello.
Almost blue
Almost doing things we used to do
There’s a girl here and she’s almost you
Almost 14
À la blague, je suppose, mon amie Annie aime prĂ©tendre qu’elle m’en veut un peu de lui avoir fait voir Let’s Get Lost, ce documentaire Ă  l’ambiance onirique signĂ© Bruce Weber qui raconte la vie et la carriĂšre turbulente du trompettiste et chanteur qu’elle avait toujours perçu comme une sorte de hĂ©ros romantique. Ce n’est pas qu’elle se berçait d’illusions sur le beau jeune homme Ă  la trompette, Ă  qui la mort dans des circonstances aussi nĂ©buleuses que tragiques a confĂ©rĂ© un statut d’icĂŽne comparable Ă  celui de ses contemporains James Dean et Marilyn Monroe. Mais, Ă  en croire ma copine, il y a des dĂ©tails de la vie de nos idoles qu’on prĂ©fĂ©rerait ignorer, quand on est fan. Je sympathise avec elle, bien sĂ»r, d’autant plus que Weber esquisse un portrait lucide et sans complaisance de l’artiste, le prĂ©sentant littĂ©ralement comme une sorte d’ange dĂ©chu du cool jazz.
Let’s Get Lost dĂ©bute sur les plages de Santa Monica au printemps 1987 et fait alterner des sĂ©quences filmĂ©es au cours des derniers mois de la vie de Chet et des images d’archives issues de ses dĂ©buts dans les annĂ©es 1950, aux cĂŽtĂ©s de gĂ©ants du jazz comme les saxophonistes Charlie Parker et Gerry Mulligan ou son pianiste Russ Freeman. Le film doit son titre au standard de Frank Loesser et Jimmy McHugh crĂ©Ă© par Mary Martin en 1943 dans la comĂ©die de Curtis Bernhardt Happy Go Lucky ; Chet l’avait pour sa part enregistrĂ© douze ans plus tard sur son disque Chet Baker Sings and Plays (Pacific), le premier microsillon de Baker dont Bruce Weber a fait l’acquisition alors qu’il n’était encore qu’un adolescent Ă  Pittsburgh.
Chesney Henry Baker Jr., surnommĂ© « Chet », a vu le jour Ă  Yale (Oklahoma) le 23 dĂ©cembre 1929 et a grandi Ă  Glendale (Californie), oĂč sa famille s’est installĂ©e l’annĂ©e de ses dix ans. Animateur de radio, guitariste et banjoĂŻste semi-professionnel de musique country, Chesney Sr., son pĂšre, lui offre un trombone, cadeau possiblement destinĂ© Ă  faire oublier les raclĂ©es qu’il administre parfois Ă  Vera, sa mĂšre, ou Ă  lui, les soirs oĂč le coude se fait lĂ©ger et le mal de vivre trop lourd Ă  porter. Le jeune Chet s’empressera d’échanger le biniou Ă  coulisse contre une trompette, par admiration pour Harry James, musicien de variĂ©tĂ©s jazzy au style expressionniste et grandiloquent, aux antipodes du jeu qui sera le sien. Adolescent, il fait ses premiĂšres armes dans des orchestres de danse et se passionne pour le saxophoniste Lester Young, prĂ©curseur de ce cool jazz dont Chet deviendra l’un des champions. EngagĂ© sous les drapeaux, trompettiste au sein du 2980 Army Band stationnĂ© Ă  Berlin en 1946, il fait la dĂ©couverte du be-bop de Dizzy Gillespie et de Charlie Parker, ainsi que des orchestres modernes blancs d’alors : Woody Herman, Stan Kenton, etc.
DĂ©mobilisĂ© deux ans plus tard, il Ă©tudie briĂšvement l’harmonie et la thĂ©orie musicale au collĂšge El Camino de Los Angeles, mais s’engage de nouveau en 1950 aprĂšs un chagrin d’amour. En privĂ©, il s’exerce Ă  imiter le phrasĂ©, Ă  reproduire les douces lignes mĂ©lodiques et l’approche minimaliste du Miles Davis de la pĂ©riode de Birth of the Cool. Lors de son premier sĂ©jour Ă  Paris, en 1956, en entrevue avec Daniel Filipacchi de Jazz Magazine qui lui fait Ă©couter « Blue Haze » par Miles, Chet s’enflamme : « C’est mon homme. J’écouterais ça du matin au soir. Miles est un gĂ©nie. Tout ce que je peux vous dire, c’est que c’est le seul style que j’aime et que je veux jouer comme ça. » Dans une entrevue accordĂ©e Ă  DownBeat quelques annĂ©es avant sa mort, il renchĂ©rira : « Je n’avais jamais pu trouver ma voix avant d’écouter Miles. »
C’est Ă  cette Ă©poque qu’il se met Ă  frĂ©quenter les jam sessions, au cours desquelles il croise le cuivre avec les saxophonistes Dexter Gordon et Paul Desmond. Au club Blackhawk, un soir, alors qu’il rejoint sur scĂšne le pianiste Dave Brubeck, un jeune mordu de jazz, futur comĂ©dien et cinĂ©aste, est tout ouĂŻe : il se nomme Clint Eastwood !
MutĂ© dans un bataillon disciplinaire, Chet choisit de dĂ©serter et se fait rĂ©former pour incompatibilitĂ© avec la vie militaire. En 1952, son chemin croise celui de deux autres saxophonistes de renom : Stan Getz, qui ne tarde pas Ă  dĂ©velopper une aversion pour ce trompettiste douĂ© mais primitif, ce bellĂątre selon lui indigne du succĂšs populaire qu’il remporte quasi instantanĂ©ment ; et surtout Charlie Parker, qui au contraire de Getz choisit Baker parmi une cohorte de jeunes trompettistes californiens pour l’accompagner dans une tournĂ©e sur la cĂŽte Ouest, de Los Angeles Ă  Vancouver, contribuant Ă  la lĂ©gende essentiellement propagĂ©e par Chet lui-mĂȘme. (Certains historiens du jazz attribuent par ailleurs Ă  ce stage auprĂšs de Charlie Parker son addiction Ă  l’hĂ©roĂŻne, ce qui ne saurait Ă©tonner ; aprĂšs tout, nombreux sont les jeunes musiciens qui s’imaginent qu’il suffit de se piquer pour atteindre le gĂ©nie de Bird.)
Sa participation, la mĂȘme annĂ©e, au fameux quartet sans piano du saxophoniste baryton Gerry Mulligan lui confĂšre bientĂŽt un statut de star. Tous les lundis soir, Mulligan et Chet se produisent au club The Haig, oĂč le Tout-Los Angeles bon chic bon genre prend l’habitude de venir les entendre rĂ©guliĂšrement. Des rĂ©alisateurs et des vedettes du grand Ă©cran, dont Jane Russell et Marilyn Monroe, frĂ©quentent volontiers le club, oĂč le duo Ă©tonne avec son mĂ©lange de morceaux originaux signĂ©s Mulligan et de standards Ă©prouvĂ©s, dont le fameux « My Funny Valentine », qui deviendra la piĂšce de rĂ©sistance de toute performance de Chet, Ă  la trompette ou au chant, parfois les deux. Par quel tour de passe-passe a-t-il rĂ©ussi l’exploit de faire de cette ballade sirupeuse signĂ©e Rodgers et Hart une ode sombre et tragique Ă  un amour condamnĂ© Ă  s’éteindre ? Nul n’aurait su dire, pas mĂȘme Mulligan, qui avait choisi la chanson crĂ©Ă©e dans la comĂ©die musicale Babes in Arms. « Je crois que Chet Ă©tait dotĂ© d’un talent accidentel, lancera le saxophoniste baryton, bien des annĂ©es aprĂšs. Impossible de comprendre d’oĂč il tenait ce qu’il savait. »
Tout se passe Ă  merveille pour le groupe, en rĂ©sidence quasi permanente au club The Haig, jusqu’à ce que Mulligan se fasse coffrer pour possession et usage de stupĂ©fiants Ă  l’étĂ© 1953. Pour les semaines restantes de l’engagement, Stan Getz remplace le baryton incarcĂ©rĂ©, malgrĂ© son dĂ©dain pour Chet, avec qui un dialogue musical d’égal Ă  Ă©gal reste impossible pour le moment en raison des lacunes du trompettiste. Qu’à cela ne tienne ! Le patron et producteur Richard Bock des disques Pacific, lui, croit avoir trouvĂ© en Chet le symbole vivant de ce nouveau cool jazz issu de la cĂŽte Ouest. À la tĂȘte d’un combo dirigĂ© en rĂ©alitĂ© par le pianiste Russ Freeman, Chet Baker triomphe sur scĂšne et sur microsillon au chant et Ă  la trompette comme l’interprĂšte in excelsis d’une musique aĂ©rienne et lĂ©gĂšre, solaire et mĂ©ditative.
Dans un milieu aussi obsĂ©dĂ© par l’image que celui d’Hollywood, les clichĂ©s de lui croquĂ©s par son ami le photographe William Claxton ont tĂŽt fait de l’imposer comme le « James Dean du jazz ». Auteur de l’ouvrage Icons of Jazz : A History in Photographs, 1900-2000 (Thunder Bay Press, 2000), l’historien David Gelly voit plutĂŽt en lui « une fusion entre James Dean, Sinatra et Bix ». Une bonne partie de l’auditoire fĂ©minin de ses concerts vient moins pour l’entendre que pour le reluquer. MariĂ© Ă  Charlaine Souder, sa premiĂšre femme, Chet prend vite l’habitude de disparaĂźtre avec des admiratrices durant les pauses. « Il baisait tout ce qui bougeait autour de lui et traitait Charlaine comme de la merde », raconte son batteur Larry Bunker au biographe James Gavin, auteur de Deep in a Dream : The Long Night of Chet Baker (2002). « Il passait ses pauses de dix minutes Ă  baiser dans son auto tandis que Charlaine l’attendait assise dans le club. C’était son style. »
Chet enregistre copieusement et dans des contextes variĂ©s pour Pacific Jazz : en quartet, en sextet, en septuor ou avec orchestre Ă  cordes. Ses interlocuteurs comptent parmi les plus prestigieux de la cĂŽte ouest amĂ©ricaine, tels les saxophonistes Bud Shank, Zoot Sims, Jack Montrose et Bob Cooper, les contrebassistes Leroy Vinnegar et Howard Rumsey, les batteurs Max Roach et Shelly Manne. DĂšs 1955, Hollywood lui donne son premier (et tout petit) rĂŽle, celui de Jockey, le trompettiste de la base d’Okinawa dans Hell’s Horizon, drame de guerre scĂ©narisĂ© et rĂ©alisĂ© par Tom Gries. MalgrĂ© des offres allĂ©chantes, il ne multipliera pas les apparitions sur les plateaux de tournage amĂ©ricains, prĂ©fĂ©rant la vie de musicien Ă  celle de comĂ©dien.
DĂ©signĂ© trompettiste de l’annĂ©e 1954 dans tous les magazines de jazz amĂ©ricains (au grand dam de Miles Davis, qui voit en lui un plagiaire Ă©hontĂ© de son style), Chet Baker multiplie les succĂšs, et son image idĂ©alisĂ©e de play-boy se prĂ©cise, se raffine. Avec les cachets gĂ©nĂ©reux qu’il empoche, il achĂšte ses premiĂšres automobiles, une passion qui ne le quittera plus jamais, et continue de consommer de l’hĂ©roĂŻne compulsivement, ce qui lui vaut maints ennuis avec les autoritĂ©s et ses premiĂšres arrestations.
À l’automne 1955, il entre dans l’écurie du label français Barclay sous l’égide duquel, dĂšs le mois d’octobre, il enregistre pour la premiĂšre fois avec son groupe des compositions de Bob Zieff. Quand son pianiste Dick Twardzik meurt d’une overdose ...

Table des matiĂšres