La dévoration des fées
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La dévoration des fées

Catherine Lalonde

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  1. 148 pages
  2. French
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La dévoration des fées

Catherine Lalonde

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Entre le conte de fĂ©es enragĂ© et la reprise hallucinĂ©e des rĂ©cits d'apprentissage, entre la forĂȘt de Sainte-AmĂšre-de-Laurentie et la grande ville Ă©lectrique, La dĂ©voration des fĂ©es raconte le sort de la p'tite, de Grand-maman et de Blanche absente. Mais le rĂ©cit est ravalĂ© par le chant, le mythe, la fantasmagorie, et une poĂ©sie fĂ©roce et primordiale hante la narration. ƒuvre baroque et mal embouchĂ©e, La dĂ©voration des fĂ©es est traversĂ© de sortilĂšges crachĂ©s ou lyriques, dans une scansion affamĂ©e, bourrĂ©e jusqu'aux yeux de dĂ©sir.

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Informations

Éditeur
Le Quartanier
Année
2017
ISBN
9782896983278
V
« je me mets dans l’ring
mon amour je ne guérirai jamais
si tu me fourres dans ma blessure »
On sent dĂ©jĂ  que midi sera brĂ»lant, on le sent et le sait. La p’tite, les mains sur le volant, encaisse les coups sourds, secouĂ©e par les cahots des nids de poule de la grande cĂŽte. Le paysage l’envahit – estragon du foin fait, sĂ©cheresse, bouses, les odeurs la pĂ©nĂštrent, passent dans la voiture par embardĂ©es sensibles. L’enfance et Sainte-AmĂšre-de-Laurentie lui reviennent par saccades, grandes brassĂ©es de senteurs; Ă©pinette, musc, purin et cĂ©rĂ©ales. Le sac de voyage sur le siĂšge du mort, un ruban de catalogne – tout ce qu’il en reste, si usĂ©e
 – nouĂ© Ă  la poignĂ©e, signal colorĂ© sur le carrousel Ă  bagages, le sac lui semble un ogre tant elle se souvient ĂȘtre partie, chemin inverse petit-peta, avec un maigre baluchon d’enfante. Si petit, le baluchon. Et elle aussi alors. Un cahot plus brutal et elle se pĂšte le coude dans la portiĂšre en plein sur le petit juif. Elle jure, sacrament, pas de savon dans la bouche, personne pour contenir les Ă©clats, les dĂ©bordements. Survenante sous le plein soleil. Elle n’a pas prĂ©venu.
La p’tite. Quelle ironie, maintenant, ce nom qui perdure malgrĂ© ses membres dĂ©liĂ©s; ces longueurs inencadrables, sa silhouette aux angles secs Ă©voquant la sauterelle calme, ou la mante. Elle retrouve les noms de ses souvenirs au fur et Ă  mesure que les lieux dĂ©filent. La forĂȘt de l’Arbre-Ă -la-pendue, lĂ  oĂč couraient la riviĂšre et son bouillon baignable – ce trou dit de la Maudite. AprĂšs les champs de vaches, le rang de la Belle-de-jour, inexplicablement sis entre le cinquiĂšme et le sixiĂšme. Et quand on tourne Ă  gauche, lĂ , sur le chemin de garnotte qu’il faut savoir pour voir, qu’il faut de nuit sentir pour trouver, tout au bout, plus grise et plus petite que ce qu’elle aurait dessinĂ© de mĂ©moire, la maison. La maison oĂč elle est nĂ©e, oĂč naquit la p’tite. Le nid, su depuis toujours, l’arĂšne de l’amour.
Elle s’arrĂȘte, coupe le moteur. Elle sait que le bruit des machines est assez rare ici pour qu’elle n’ait pas Ă  klaxonner. La sueur glisse dans sa coulisse vertĂ©brale, quelle chaleur. La porte s’ouvre sur un trou noir. L’anti-midi exactement, et ses sombres Ă©clairs de souvenance.
L’aĂŻeule apparaĂźt. Toujours svelte de tristesse, musclĂ©e du travail de se nourrir, la tĂȘte blanchie, les jambes fortes. Forte d’ĂȘtre devenue aĂŻeule, aĂŻeule Ă  trente-sept ans, naguĂšre jadis il n’y a pas si longtemps, quand au commencement Ă©tait le verbe, et de n’avoir, depuis que les garçons sont devenus hommes Ă  mourir, plus de bouches Ă  nourrir, plus de doigts Ă  frapper de sa main dure, plus de litanies, de trĂąlĂ©e Ă  rameuter avant que refroidisse la potĂ©e. Elle regarde, et dans le contre-jour reconnaĂźt. C’était dit, Ă©crit, parole originelle : la premiĂšre sera la derniĂšre. Sera la seule revenue car la seule revenable, la pas tuable. Grand-maman desserre les lĂšvres, un souffle en Ă©mane, presque rien, un miasme, une tension lĂąchĂ©e. Elle tourne le dos et rentre Ă  la maison, la porte laissĂ©e large ouverte aux mouches au bruissement des criquets. C’est une invitation, le seul bienvenue ici possible. Faut pas en demander trop. La p’tite pĂ©nĂštre Ă  son tour par le trou noir, le chas carrĂ© de l’aiguille : retour Ă  l’ombre – naissance de tout –, et Ă  tout le reste.
Laquelle est survenue? Celle qui retrouve les fondations d’enfance – structures de bonheur amour dĂ©tresse pensĂ©es rires pleurs – ou celle Ă  qui revient sa toffe, sa teigne, sa pire, sa gĂącheuse de lignĂ©e parfaite Ă  mourir debout, sa gĂącheuse de solitude chĂšrement gagnĂ©e? Laquelle?
La p’tite retrouve les murs de son enfance, et tout la frappe de plein fouet. Les notes de cĂšdre, les cendres, la poussiĂšre entassĂ©e dans les interstices des lattes. Elle retombe en cet Ă©tat oĂč l’air et tous tissus Ă©taient mains caressantes et tout autour Ă©tait aimant; l’autour de soie, simplement d’ĂȘtre, d’ĂȘtre vie. Elle sent son corps se fondre aux lambris, au cheval, au poĂȘle Ă  bois, au mongol,
Ă  l’absence, ocĂ©anique jouissance, sans cĂ©der pourtant les frontiĂšres de son corps Ă  cette dĂ©voration.
Grand-maman est lĂ , accotĂ©e Ă  la table et bras croisĂ©s. Énorme et primordiale, grosse de ses morts ses hommes ses mouches son rosaire ses bĂȘtes Ă  bon Dieu ses fuck ses rides de tour de bouche. SorciĂšre, se demande la p’tite. Chiennes de faĂŻence de mĂšre en fille, la premiĂšre sera la derniĂšre? Fuck, rĂ©pond la p’tite. Elle pose ses pĂ©nates. La chaleur est Ă  braiser, cerfeuil et romarin, des volutes Ă©manent presque des peaux en sueur. La p’tite se dĂ©vĂȘt, de haut en bas, voilĂ , flambant nue, retour Ă  la case dĂ©part dans l’Ɠil d’aĂŻeule, avec poils au pubis. De femme Ă  femme dĂ©sormais, nous dĂ©sormais, dĂ©pareillĂ©es et mĂȘmes. Égales.
Ce retour, cette exhibition, ce marquage au fer rouge du premier jour, c’est qu’elle sent, la p’tite, elle sait la force de l’histoire d’os. Elle remonte Ă  la source, Ă  la pulsante maison, au mouvement. Elle revient se fonder. Un saumon dans la chute. Elle sait, si jeune elle sait dĂ©jĂ  qu’elle tombera sorciĂšre, pas d’autre destin annoncĂ© par la hargne ou le temps coulĂ© que celui de framboises piquĂ©es par les vers, et qui vivra verrue. Non, non, non. Retour Ă  la malmaison du malamour, retour Ă  elle, Ă  Grand-maman mangeresse : seule façon de dĂ©tourner les tracĂ©s d’avance.
Les premiers jours passent et se cordent facilement, comme des bĂ»ches sous la galerie. C’est une danse gĂ©omĂ©trique, une architecture mouvante de corps purs partageant un espace : la p’tite grandie et Grand-maman dans la maison d’elles. Affaires de corps, dans le cumul quotidien de gestes vivaces insignifiants, chacune pour soi – cafĂ© vaisselle nourriture dĂ©placements navigatoires lecture sieste lavage, et pour l’aĂŻeule les priĂšres rosaire en main – sans se frĂŽler, sans acquiescer Ă  l’autre prĂ©sence, si loin si prĂšs si fort que c’est marque dĂ©jĂ  de reconnaissance, partage d’odeurs et d’animal parcours.
La maison d’enfance se refait au goĂ»t du jour : plus de tornades ni de cacophonie d’objets, pas de criĂ©e Ă  la moulĂ©e, pas de Jean-Jude Luc Jacques Matthieu Pierre-Joseph la p’tite retontissant trois fois par jour. Ce serait un appel aux morts maintenant.
Elle sent, la p’tite, elle sait qu’elle ne peut, n’a jamais pu toucher Grand-maman. Risques de craquelures pour celle qui se tient depuis trop longtemps dans le dur-dire, corps bandĂ© et sans douceur. Elle ne s’approche pas, prĂ©pare une dĂ©coction de queues de cerises, la verse en offrande, la laisse Ă  portĂ©e, ramasse ensuite la tasse vide. Le geste s’arrĂȘte lĂ . Tout, Ă  Sainte-AmĂšre, a le luxe de s’arrĂȘter. La p’tite regarde par la fenĂȘtre le temps qui file – les bĂȘtes broutent; Grand-maman, hors champ, bĂȘche –, ce tic-tac du chant des criquets qui deviendra, entre chien et loup, coassements de ouaouarons. L’enfance et le farniente se fondent l’une Ă  l’autre, pĂ©nĂštrent les pores de la p’tite. Elle monte Ă  l’étage, pour une Ă©niĂšme sieste, dans une Ă©niĂšme langueur. Sa chambre, si petite dĂ©sormais, aux murs si rapprochĂ©s, comme un confortable cercueil. Elle se retourne, fait trois pas : dans le dortoir des garçons pers...

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