Pandémie
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Pandémie

Traquer les épidémies, du choléra aux coronavirus

Sonia Shah, Michel Durand

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  1. 336 pages
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Traquer les épidémies, du choléra aux coronavirus

Sonia Shah, Michel Durand

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À propos de ce livre

C'Ă©tait un consensus scientifique avant mĂȘme l'apparition de la COVID-19: 90% des Ă©pidĂ©miologistes avaient prĂ©dit qu'un virus ou une bactĂ©rie causerait une pandĂ©mie planĂ©taire. Avec l'Ă©closion de plus de 300maladies infectieuses ces derniĂšres dĂ©cennies, la prĂ©vision paraĂźt logique. Mais d'oĂč viennent les coronavirus, les maladies comme Ebola, le paludisme ou le cholĂ©ra, une des plus mortelles de l'histoire? Et si la santĂ© mondiale dĂ©pendait de l'Ă©quilibre Ă©cologique mis Ă  mal par des siĂšcles de dĂ©veloppement industriel?

Des bidonvilles de New York au XIX e siĂšcle aux marchĂ©s d'animaux sauvages en Chine, en passant par Port-au-Prince et les forĂȘts centrafricaines, la journaliste Sonia Shah est partie sur les traces des Ă©pidĂ©mies dans cet essai digne d'un polar scientifique. VĂ©ritable voyage dans le corps, le temps et l'espace, PandĂ©mie dĂ©montre avec brio le lien entre Ă©pidĂ©mie et Ă©cologie, mais aussi entre maladies infectieuses et conditions de vie des populations. De quoi regarder d'un autre Ɠil la dĂ©fense de la biodiversitĂ© et de la justice sociale.

Les pages qui suivent racontent l'histoire des pandĂ©mies Ă  travers le prisme de l'action humaine. C'est une histoire oĂč l'avenir des pandĂ©mies, tout comme leur passĂ©, est mĂȘlĂ© au nĂŽtre. Nous le tenons entre nos mains.

— Sonia Shah

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Informations

Année
2020
ISBN
9782897196479
1

Le saut

Ou comment les agents pathogùnes passent d’une espùce à l’autre
À la recherche du lieu de naissance de nouveaux agents pathogĂšnes, je suis partie par une journĂ©e pluvieuse et fraĂźche de ce dĂ©but de 2011 pour trouver un marchĂ© humide Ă  Guangzhou (anciennement Canton), la capitale de la province du Guangdong, dans le sud de la Chine.
Les marchĂ©s humides sont des marchĂ©s urbains en plein air oĂč les vendeurs vendent aux consommateurs, entre autres, des animaux vivants capturĂ©s dans la nature pour l’abattage et la consommation. Ils satisfont le goĂ»t des Chinois pour ce qu’on appelle yewei, ou cuisine «sauvage», dans laquelle les animaux exotiques allant des serpents aux tortues et aux chauves-souris sont prĂ©parĂ©s dans des plats spĂ©ciaux22.
C’est dans un marchĂ© humide de Guangzhou qu’est nĂ© le virus qui a failli causer une pandĂ©mie en 2003. Ce virus particulier vivait normalement Ă  l’intĂ©rieur des rhinolophesb. C’était une sorte de coronavirus, une famille de virus qui causent surtout des maladies respiratoires bĂ©nignes (chez les humains, ils sont responsables d’environ 15 % de tous les cas du rhume). Mais le virus qui a Ă©clos au marchĂ© humide de Guangzhou Ă©tait diffĂ©rent23.
Des rhinolophes, il s’était propagĂ© Ă  d’autres animaux sauvages dans des cages Ă  proximitĂ©, dont des chiens viverrins, des blaireaux-furets, des serpents et des civettes palmistes. À mesure que le virus se propageait, il mutait. Et, en novembre 2003, une forme mutante du virus de la rhinolophe a commencĂ© Ă  infecter les gens.
Comme d’autres coronavirus, le virus a colonisĂ© les cellules qui tapissent les voies respiratoires. Mais contrairement Ă  ses frĂšres plus bĂ©nins, le nouveau virus trafiquait le systĂšme immunitaire humain, perturbant la capacitĂ© des cellules infectĂ©es Ă  avertir les cellules voisines de l’intrusion virale. En consĂ©quence, dans environ un quart des personnes infectĂ©es, ce qui a commencĂ© comme ce qui ressemblait Ă  une grippe a rapidement dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en pneumonie potentiellement mortelle: les poumons infectĂ©s se remplissaient de liquide et privaient le corps d’oxygĂšne. Au cours des mois suivants, le virus (qui sera connu sous le nom de SRAS – syndrome respiratoire aigu sĂ©vĂšre) a rendu malades plus de 8 000 personnes. Parmi elles, 774 personnes ont pĂ©ri24.
Le virus du SRAS a ensuite disparu. Comme une Ă©blouissante Ă©toile filante, il a utilisĂ© tout son carburant disponible, tuant les gens trop vite pour se propager davantage. AprĂšs que des experts scientifiques eurent montrĂ© que les marchĂ©s humides Ă©taient les Ă©closeries oĂč Ă©tait nĂ© l’étrange nouvel agent pathogĂšne, les autoritĂ©s chinoises ont sĂ©vi contre ceux-ci. Beaucoup ont fermĂ©. Mais alors, quelques annĂ©es se sont Ă©coulĂ©es et les marchĂ©s humides sont revenus, quoique sous une forme rĂ©duite et plus furtive.
On nous avait dit qu’il y avait un marchĂ© humide quelque part autour de Zengcha Road, une route Ă  quatre voies embouteillĂ©e qui passe sous une autoroute polluĂ©e Ă  Guangzhou. AprĂšs avoir tournĂ© en rond un certain temps, nous nous sommes arrĂȘtĂ©s pour demander le chemin Ă  un garde en uniforme. Il eut un triste sourire. Le marchĂ© humide a Ă©tĂ© fermĂ© il y a six ans, dit-il, aprĂšs l’épidĂ©mie du SRAS. Mais il a alors, au mĂȘme moment, attrapĂ© et tirĂ© la manche d’un travailleur passant par-lĂ , nous incitant Ă  poser notre question Ă  nouveau, mais cette fois au travailleur. Nous l’avons fait et cet individu a tenu un autre discours: contournez cet immeuble, dit-il, tandis que le garde Ă©coutait avec approbation. Nous «pourrions» trouver «certaines personnes» vendant «certaines choses».
En tournant le coin, c’est l’odeur qui a d’abord frappĂ©: piquante, musquĂ©e et humide. Le marchĂ© humide se composait d’une sĂ©rie de stalles ressemblant Ă  des garages et bordant un passage en ciment. Certaines avaient Ă©tĂ© transformĂ©es en bureaux-chambres-cuisines, oĂč les vendeurs d’animaux, serrĂ©s les uns contre les autres pour se dĂ©fendre du froid, tuaient le temps en attendant les clients. Dans une stalle, trois hommes d’ñge moyen et une femme jouaient aux cartes sur une table pliante; dans une autre, une adolescente Ă  l’air blasĂ© regardait un tĂ©lĂ©viseur boulonnĂ© au mur. DĂšs que nous sommes entrĂ©s, un homme a jetĂ© les restes de son bol Ă  soupe dans le caniveau peu profond entre les stalles et le passage, une famille de huit personnes se blottissait derriĂšre lui autour d’un chaudron fumant. Quelques minutes plus tard, il est rĂ©apparu et a vigoureusement vidĂ© son nez dans son bol vide.
Les marchandises que nous Ă©tions venus voir Ă©taient totalement ignorĂ©es; Ă  savoir les animaux sauvages en cage qui avaient Ă©tĂ© capturĂ©s et acquis d’autres commerçants dans une longue chaĂźne d’approvisionnement s’étendant profondĂ©ment dans l’intĂ©rieur de la Chine et aussi loin que le Myanmar et la ThaĂŻlande. Une tortue de 15 kilos dans un bac en plastique blanc trempait tristement dans une flaque d’eau grise Ă  cĂŽtĂ© de cages de canards sauvages, de furets, de serpents et de chats sauvages. RangĂ©e aprĂšs rangĂ©e d’animaux qui s’étaient rarement, voire jamais, rencontrĂ©s dans la nature Ă©taient ici, respirant, urinant, dĂ©fĂ©quant et mangeant les uns Ă  cĂŽtĂ© des autres.
La scĂšne illustrait remarquablement diverses façons qui expliqueraient pourquoi le SRAS avait commencĂ© lĂ . L’une d’elles Ă©tait l’agrĂ©gation inhabituelle et Ă©cologiquement sans prĂ©cĂ©dent d’animaux sauvages. Dans un cadre naturel, les rhinolophes, qui vivent dans des grottes, ne cĂŽtoient jamais les civettes palmistes, une sorte de chat qui vit dans les arbres. Ni l’un ni l’autre, non plus, ne s’approcherait normalement des gens. Mais les trois espĂšces Ă©taient rĂ©unies au marchĂ© humide. Le fait que le virus s’était propagĂ© de chauves-souris aux chats civettes avait jouĂ© un rĂŽle particuliĂšrement critique dans l’émergence du SRAS. Les chats civettes Ă©taient, pour une raison quelconque, particuliĂšrement vulnĂ©rables au virus. Cela lui a donnĂ© l’occasion d’augmenter ses effectifs, comme le son d’un sifflet dans un tunnel. Avec une rĂ©plication accrue sont venues de nouvelles occasions de muter et d’évoluer. À un point tel qu’un microbe qui vivait dans les rhinolophes s’est transformĂ© en agent pathogĂšne pouvant infecter les humains. Sans cette amplification, il est difficile de dire si le virus du SRAS aurait jamais Ă©mergĂ©.
Nous nous sommes approchĂ©s d’un vendeur dans une stalle Ă©clairĂ©e par une seule ampoule nue. DerriĂšre lui, sur une Ă©tagĂšre affaissĂ©e, se trouvait un bocal en verre tachĂ© d’une capacitĂ© de trois ou quatre litres rempli de serpents flottant dans une sorte de saumure. Pendant que ma traductrice Su bavardait avec le vendeur, deux femmes sont apparues et ont jetĂ© Ă  mes pieds des sacs en tissu blanc. À l’intĂ©rieur du premier, un enchevĂȘtrement de minces serpents bruns qui glissaient les uns sur les autres. Dans l’autre, un unique serpent, beaucoup plus grand, sifflait frĂ©nĂ©tiquement. De toute Ă©vidence, il Ă©tait perturbĂ©. À travers le tissu transparent, je pouvais voir que la tĂȘte du serpent arborait un large capuchon, ce qui signifiait que c’était un cobra.
Pendant que j’absorbais ces informations, l’homme et les deux femmes, qui avaient ignorĂ© ma prĂ©sence, se sont tournĂ©s vers moi avec une certaine urgence dans leur expression. Su a traduit leur question: «Exactement combien de personnes avez-vous l’intention de nourrir avec ce serpent?»
J’ai balbutiĂ© «dix» et me dĂ©tournai, nerveuse. Quelques minutes plus tard, une femme est venue nous poser une autre question. Elle m’a dĂ©signĂ©e, cachant poliment un sourire narquois derriĂšre sa main, et a demandĂ© Ă  Su s’il Ă©tait vrai que les Ă©trangers comme moi mangeaient des dindes. Pour elle, c’était moi qui avais d’étranges habitudes alimentaires.
* * *
Le cholĂ©ra a Ă©galement commencĂ© dans des corps d’animaux. Les crĂ©atures qui abritent la bactĂ©rie causant la maladie vivent dans la mer. Il s’agit d’une sorte de minuscule crustacĂ© appelĂ© copĂ©pode. Les copĂ©podes mesurent environ un millimĂštre de long, ont des corps en forme de goutte et un seul Ɠil rouge vif. Comme ils ne savent pas nager, ils sont considĂ©rĂ©s comme une sorte de zooplancton, dĂ©rivant dans l’eau et retardant l’attraction gravitationnelle vers les profondeurs Ă  l’aide de longues antennes tournĂ©es vers l’extĂ©rieur comme des ailes de planeur25. Bien que l’on n’en parle pas beaucoup, ils sont en fait les crĂ©atures multicellulaires les plus abondantes sur Terre. Un seul concombre de mer peut ĂȘtre recouvert de plus de 2 000 copĂ©podes, une Ă©toile de mer de la taille d’une main en aura des centaines. Dans certains endroits, les copĂ©podes sont si denses que l’eau devient opaque. En une seule saison chacun d’eux peut produire prĂšs de 4,5 milliards de descendants26.
Les Vibrio cholerae sont leurs partenaires microbiens. Vibrio cholerae est une espĂšce de bactĂ©rie microscopique du genre Vibrio, un vibrion en français, en forme de virgule. Bien que Vibrio cholerae puisse vivre seule, flottant librement dans l’eau, elle s’accumule le plus abondamment sur et dans les copĂ©podes, oĂč elle s’attache Ă  leurs sacs d’Ɠufs ou tapisse l’intĂ©rieur de leurs tripes. Les vibrions accomplissent une fonction Ă©cologique prĂ©cieuse. Comme d’autres crustacĂ©s, les copĂ©podes s’enveloppent d’une carapace extĂ©rieure faite d’un polymĂšre appelĂ© chitine (prononcĂ© ki-tine). Plusieurs fois au cours de leur vie, ils perdent leurs vieilles carapaces, comme des serpents qui muent, en en rejetant 100 milliards de tonnes par an. Les vibrions se nourrissent de cette abondance de chitine, en recyclant collectivement 90 % de l’excĂ©dent pour leur propre consommation. Sans eux, la montagne d’exosquelettes des copĂ©podes priverait l’ocĂ©an de carbone et d’azote27.
Les vibrions et les copĂ©podes prolifĂ©raient dans les eaux cĂŽtiĂšres chaudes et saumĂątres, lĂ  oĂč les eaux fraĂźches et salĂ©es se rencontraient, comme dans les Sundarbans, une vaste zone humide Ă  l’embouchure de la plus grande baie du monde, le golfe du Bengale. C’était une sorte d’enfer de terre et de mer longtemps hostile Ă  la prĂ©sence humaine. Chaque jour, les marĂ©es salĂ©es du golfe du Bengale recouvraient les parties basses des forĂȘts de mangroves et les vasiĂšres des Sundarbans, poussant l’eau de mer jusqu’à 800 kilomĂštres Ă  l’intĂ©rieur des terres, crĂ©ant des Ăźles temporaires de haute terre, qui s’élevaient quotidiennement, puis disparaissaient avec les marĂ©es. Des cyclones, des serpents venimeux, des crocodiles, des rhinocĂ©ros de Java, des buffles sauvages et mĂȘme des tigres du Bengale hantaient les marais28. Les empereurs moghols qui rĂ©gnĂšrent sur le sous-continent indien jusqu’au XVIIe siĂšcle laissĂšrent prudemment les Sundarbans tranquilles. Les commentateurs du XIXe siĂšcle la dĂ©crivaient comme «une sorte de terre inondĂ©e, couverte de jungle, frappĂ©e par le paludisme, infestĂ©e par des bĂȘtes sauvage...

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