Chronique d'une insurrection appréhendée, nouvelle édition
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Chronique d'une insurrection appréhendée, nouvelle édition

Jeunesse et crise d'Octobre

Éric BĂ©dard

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  1. 210 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Jeunesse et crise d'Octobre

Éric BĂ©dard

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À propos de ce livre

Ce qui frappe le public et les observateurs de la scĂšne politique durant les Ă©vĂ©nements d'Octobre 1970, c'est le jeune Ăąge des personnes arrĂȘtĂ©es. Dans Chronique d'une insurrection apprĂ©hendĂ©e, Éric BĂ©dard examine la place de la jeunesse dans le discours et la pensĂ©e felquiste des annĂ©es 1960, mais aussi la perception qu'en avaient les autoritĂ©s. Il montre qu'en octobre 1970 la jeunesse Ă©tudiante et politisĂ©e milite dans une myriade de groupuscules et qu'elle arrive difficilement Ă  se mobiliser. La peur qu'inspire la jeunesse, deux ans aprĂšs Mai 68 et quelques mois aprĂšs les Ă©meutes de la Kent University aux États-Unis, explique en partie le recours Ă  la Loi sur les mesures de guerre. Un document inĂ©dit et longuement recherchĂ© montre que les arrestations qui suivent l'adoption dela loi d'exception ont toutes les allures d'une rafle dejeunes.Historien et professeur Ă  l'UniversitĂ© TÉLUQ, Éric BĂ©dard est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire du QuĂ©bec. Depuis 2015, il anime la sĂ©rie Figures marquantes de notre histoire diffusĂ©e sur MAtv.

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Informations

Année
2020
ISBN
9782897911966
1
Le « pouvoir étudiant » dans le Québec des années 1960
Encore aujourd’hui, malgrĂ© les Ă©ruptions du Printemps quĂ©bĂ©cois de 2012 et l’engouement planĂ©taire que suscite l’écologiste suĂ©doise Greta Thunberg, la jeunesse des annĂ©es 1960 reste une rĂ©fĂ©rence incontournable. Probablement parce qu’ils ont Ă©tĂ© nombreux Ă  faire le rĂ©cit de leur entrĂ©e dans la vie adulte, les baby-boomers les plus politisĂ©s ont imposĂ© Ă  toute la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©coise le rĂ©cit enchantĂ© de leurs bravades et de leurs grĂšves tapageuses1. Pourtant, lorsqu’on compare les chiffres, les dĂ©brayages Ă©tudiants d’octobre 1968 n’arrivent pas Ă  la cheville de ceux de 2005 ou de 20122. Et lorsqu’on cherche les transformations politiques concrĂštes de cette jeunesse bruyante de la fin des annĂ©es 1960, celle-lĂ  mĂȘme qui rĂȘvait de « casser la baraque », on a bien du mal Ă  trouver quelque chose d’important et de durable. En dĂ©pit des comparaisons, la jeunesse de cette « gĂ©nĂ©ration lyrique3 » n’a cessĂ© d’ĂȘtre magnifiĂ©e et prĂ©sentĂ©e comme un moment phare de la contestation moderne. Le problĂšme, c’est que cette fable d’un surgissement de la jeunesse, d’une rupture brutale avec un temps oĂč les Ă©tudiants suivaient docilement les voies tracĂ©es par leurs parents et se conformaient aux valeurs des Ă©lites, a aussi Ă©tĂ© relayĂ©e par la littĂ©rature savante, comme l’a bien montrĂ© Louise Bienvenue4. La recherche rĂ©cente sur la jeunesse et le mouvement Ă©tudiant tend Ă  montrer que cette lecture des choses est largement exagĂ©rĂ©e, mĂȘme si – il ne s’agit pas non plus de le nier – quelque chose comme un « pouvoir Ă©tudiant » prend forme durant les annĂ©es 1960, au QuĂ©bec comme ailleurs en Occident.
La jeunesse comme catĂ©gorie sociale Ă©merge graduellement, au mĂȘme rythme que se dĂ©ploie la modernitĂ©. Pour reprendre les concepts de François Hartog, si le « rĂ©gime d’historicitĂ© » des sociĂ©tĂ©s traditionnelles Ă©tait tournĂ© vers un passĂ© Ă  imiter et Ă  rĂ©pĂ©ter, celui des sociĂ©tĂ©s modernes est tournĂ© vers un avenir Ă  accomplir, fĂ»t-ce en s’inspirant d’un lointain passĂ©5. Les aĂźnĂ©s des sociĂ©tĂ©s traditionnelles Ă©taient porteurs de sagesse ; les jeunes des sociĂ©tĂ©s modernes, porteurs de promesses. Dans le premier cas, le prĂ©sent est conspuĂ© parce qu’il n’est pas Ă  la hauteur du passĂ©, alors que, dans le second, il ne correspond pas aux attentes investies dans un avenir qu’on espĂšre radieux. Les aĂźnĂ©s Ă©taient une inspiration, ils sont devenus un frein au progrĂšs. De sorte que les chocs de gĂ©nĂ©rations sont consubstantiels Ă  la modernitĂ©. Et plus la modernitĂ© se radicalise, plus les aĂźnĂ©s sont priĂ©s de dĂ©barrasser la scĂšne de l’histoire au plus vite. « Ok boomer », lisait-on en 2019 sur les rĂ©seaux sociaux !
DĂ©jĂ , dans le Canada français des annĂ©es 1840, on a vu poindre une tension gĂ©nĂ©rationnelle. Durant cette dĂ©cennie de transition, des jeunes crĂ©ent l’Institut canadien, s’investissent en politique et publient leurs premiers poĂšmes et romans. L’échec des patriotes, la raretĂ© des terres en zone seigneuriale, l’encombrement des professions libĂ©rales, le dĂ©but de l’exode vers les États-Unis font partie des griefs que la jeune gĂ©nĂ©ration adresse aux plus vieux. Écrivain du dimanche, dĂ©putĂ© puis surintendant de l’instruction publique, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau est l’un des chefs de file de cette gĂ©nĂ©ration nouvelle. Dans Charles GuĂ©rin, il fait dire au frĂšre de son hĂ©ros : « L’émigration forcĂ©e, l’oisivetĂ© forcĂ©e, la dĂ©moralisation forcĂ©e, voilĂ  tout ce qu’on offre Ă  notre brillante jeunesse, dont on s’efforce de cultiver et d’orner l’intelligence pour un pareil avenir ; de mĂȘme [
] que chez les anciens on engraissait et l’on parait les victimes pour le sacrifice6. » L’éveil des jeunes gĂ©nĂ©rations Ă  leur condition particuliĂšre participe autant d’une anxiĂ©tĂ© matĂ©rielle que d’une volontĂ© sincĂšre de contribuer au redressement de leur patrie. Les jeunesses espĂšrent mettre fin aux injustices en mĂȘme temps que raviver des ardeurs collectives. Au tournant du XXe siĂšcle, le jeune Lionel Groulx a le sentiment que son pays est gangrenĂ© par divers maux. « Le mal est profond, Ă©crit-il dans son journal ; il est Ă  la racine de l’arbre. Si le tronc est dĂ©jĂ  trop vermoulu pour espĂ©rer sĂ©rieusement d’y infuser une sĂšve nouvelle et capable d’enrayer cette destruction imminente, une nĂ©cessitĂ© qui s’impose du moins c’est de surveiller les pousses nouvelles qui apparaissent sur cette ruine7. » Cette mĂ©taphore organique allait inspirer ses nombreux engagements en faveur de la jeunesse8. Avec plusieurs autres, Groulx fut l’un des fondateurs de l’Action catholique de la jeunesse canadienne-française (ACJC), une association rĂ©solument nationaliste qui allait regrouper, Ă  cĂŽtĂ© d’associations Ă©tudiantes fondĂ©es Ă  la mĂȘme Ă©poque, les jeunes les plus politisĂ©s de leur temps.
Selon les spĂ©cialistes, c’est vraiment durant les annĂ©es 1930 que la jeunesse devient une force politique organisĂ©e et Ă©coutĂ©e. S’il en est ainsi, expliquent les historiennes Louise Bienvenue et Karine HĂ©bert, c’est que la crise Ă©conomique qui sĂ©vit alors au QuĂ©bec et dans l’ensemble de l’Occident est telle que la jeunesse se sent investie d’une mission sacrĂ©e. Face au chĂŽmage qui afflige tant de familles, aux « trusts » qui tirent les ficelles de l’économie, aux politiciens dĂ©munis et dĂ©boussolĂ©s, bien des jeunes ont le sentiment d’appartenir Ă  une « gĂ©nĂ©ration sacrifiĂ©e » Ă  qui incombent de lourdes responsabilitĂ©s9. Parmi ces jeunes des annĂ©es 1930, les dĂ©bats sont riches, les conflits d’idĂ©es fĂ©conds, les propositions programmatiques nombreuses. Pour les uns, inspirĂ©s par le personnalisme chrĂ©tien, la crise est surtout sociale et spirituelle. Ceux-lĂ  s’investissent dans la revue La RelĂšve ou militent dans l’action catholique spĂ©cialisĂ©e (Ă©tudiante, ouvriĂšre ou agricole). Leur fameux « Voir – Juger – Agir », mĂ©thode d’apostolat et devise philosophique, les amĂšne Ă  penser les questions sociales autrement et Ă  envisager des rĂ©formes politiques concrĂštes pour rĂ©duire les injustices. D’autres, trĂšs influencĂ©s par le magistĂšre intellectuel de Lionel Groulx, rĂȘvent d’une nation rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e, plus autonome et libre, quand ce n’est pas carrĂ©ment indĂ©pendante. Dans cette mouvance, les Jeune-Canada publient en 1932 le « Manifeste Ă  la jeune gĂ©nĂ©ration », d’autres se regroupent autour de la revue La Nation et espĂšrent la venue d’un grand chef national qui rĂ©tablirait l’ordre. Le discours des Ă©tudiants de McGill et de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al prend Ă©galement un tour nouveau. Jusque-lĂ , les leaders Ă©tudiants s’identifiaient davantage Ă  leur Ă©tablissement et Ă  l’élite qu’à leur gĂ©nĂ©ration ou au peuple. Mais la Crise et la menace d’une nouvelle guerre changent complĂštement la donne. « ChĂŽmeurs ou chair Ă  canon : tel sera notre lot », Ă©crit GĂ©rard Filion dans le Quartier latin du 15 fĂ©vrier 1934 – le journal des Ă©tudiants de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al. Durant ces annĂ©es de grands bouleversements sociaux et politiques, les Ă©tudiants universitaires en viennent Ă  s’identifier davantage aux plus humbles, affligĂ©s par le chĂŽmage et les privations, qu’aux mieux nantis, protĂ©gĂ©s par leur rang et leurs rĂ©seaux familiaux. Plusieurs craignent qu’une fois leur diplĂŽme en poche leur situation ne soit guĂšre plus reluisante que celle des classes laborieuses qui peinent Ă  joindre les deux bouts. Cette identification des Ă©tudiants Ă  la population active et vulnĂ©rable entraĂźne Ă©videmment une prise de conscience des enje...

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