
- 184 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Horoscopiques
À propos de ce livre
Avec la verve qu'on lui connaît, Gilles Pellerin renoue avec le genre de la nouvelle en prenant pour appui les douze signes du zodiaque; grâce à son érudition et à son sens du rythme, chaque signe sert ainsi de prétexte à une nouvelle mettant en scène des personnages légèrement décalés, dont on ne saurait dire s'ils sont franchement agaçants, attachants ou carrément drôles. Chose certaine, le genre de la nouvelle est particulièrement bien servi ici, confirmant la réputation de l'auteur, maintes fois récompensé.
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Sujet
LittératureCancer
J’ai connu quelqu’un qui imaginait les jours
de la semaine sous la forme de figures particulières,
une fois même, il dessina le mercredi sur la table.
de la semaine sous la forme de figures particulières,
une fois même, il dessina le mercredi sur la table.
Georg Lichtenberg
À les entendre, on est le 31 juin et, ni à la radio ni dans les journaux, on ne semble se rappeler ni même savoir que juin compte trente jours : aujourd’hui on est ou devrait être le 1er juillet. Les chefs politiques y vont de leurs salades nationalistes, avec bonus d’une journée pour clamer que le Canada est le best-country-meilleur-pays au monde et que ça n’a jamais été aussi vrai que maintenant. Tous en chœur : Ca-na-da ! Ca-na-da ! Vu les tensions actuelles, la chorale chante fort !
Des distorsions dans le cours du temps, ça s’est déjà vu. Afin de donner à Josué le temps voulu pour vaincre les Amorrites, Yahvé arrêta le soleil dans sa course.
Le soleil se tint immobile au milieu du ciel et près d’un jour entier retarda son coucher.
Pour Charlemagne, le Seigneur Dieu eut la même disposition « de bien vouloir pour lui arrêter le soleil, dire à la nuit d’attendre, au jour de demeurer : tu peux maintenant te venger de la gent criminelle ».
D’accord, ça se passe dans de vieux livres. On peut avoir des réserves à l’égard de ces événements puisqu’ils se seraient déroulés l’un dans l’Antiquité, l’autre au Moyen Âge. D’ailleurs, de nos jours le Seigneur Dieu ne pourrait tenir de tels propos sans se faire vertement rabrouer.
Le calendrier n’a pas toujours été lisse. Tout irait bien si un an comptait 365 ou même 365 ¼ jours, la base actuelle pour déterminer les années (trois régulières et une bissextile), mais la fraction n’est pas exactement ¼ (0,2422, selon Wikipédia). Mine de rien, à l’échelle de quelques siècles le décalage finit par creuser un trou. Quand on s’est aperçu qu’à ce compte-là Pâques dériverait jusqu’en été, on a remplacé le calendrier julien par le calendrier grégorien. Le jour de l’An, qu’on avait jusque-là célébré à l’équinoxe du printemps, plus précisément à l’Annonciation (25 mars), s’est retrouvé le 1er janvier. Mais l’ajustement ne s’est pas fait partout en même temps. Chacun sait que la révolution d’Octobre a été déclenchée le 7 novembre 1917. En passant de l’empire des tsars à l’Union Soviétique, on a avalé treize jours d’un grand coup. Le calendrier est blagueur : du temps de mon enfance, là où je vivais l’hiver, c’était en juin et Noël en plein été. Ce qui expliquerait que mon ami Julien Hoarau soit né en décembre, son frère Janvier, en septembre ? (Là, c’est moi qui plaisante…)
Blague à part, ce 31 juin viserait-il à corriger un nouveau décalage ? Je demanderais bien l’avis de mon voisin de palier, mais ces jours-ci il est invisible, comme chaque fois qu’il perd son emploi, ce qui lui arrive souvent.
Membre d’une association vouée à l’accueil aux immigrants, Alexandre m’a en quelque sorte pris en charge à mon arrivée. Rien à voir avec les services gouvernementaux. Pas de paperasse. Que de l’entraide, du quotidien. Mon logement, c’est lui qui me l’a trouvé. Même immeuble, même palier, pas cher. « Le temps que tu t’installes, ce sera pratique. » Après toutes ces années, il me convient toujours, surtout qu’il est venu avec le meilleur voisin qui soit.
Entre lui et moi, ç’a cliqué, bien que nous provenions d’horizons différents : moi, Science Po ; lui, un biologiste en mal d’emploi stable, vu sa tendance à s’engueuler avec ses patrons et à brandir pour ceci et pour cela des opinions dérangeantes. Politique, écologie, justice sociale, tout y passe. Sa passion : ce qui régit les sociétés. Ce n’est peut-être pas si différent de la bio, après tout. « C’est tout à fait normal de chercher à comprendre ce qui cloche. C’est même une exigence quand on vit dans un résidu d’État colonial qui n’est pas maître de son destin ni de la conduite quotidienne de ses affaires ! » Le point d’exclamation, il le fait entendre. Il en a d’ailleurs l’allure, longiligne, toujours prêt à bondir.
Dès le début, moi à sa table, puis lui à la mienne, et ainsi de suite. Je me suis joint à l’association. Nous organisons de petites fêtes et nous mettons à profit notre savoir-faire culinaire. L’histoire, la culture, le vocabulaire dans une assiette, je ne connais pas mieux. J’aurais difficilement pu trouver quelqu’un capable autant que lui de m’instruire des choses propres à son pays et, en retour, d’écouter ce que j’ai à dire sur celui où j’ai grandi.
Bref, un touche-à-tout au grand cœur et aux grandes opinions. À l’état brut, si j’avais à choisir comme copain entre un gars qui rêve d’un avenir meilleur ou un autre qui festoie parce que rien ne bouge, comme tant l’ont fait le 30 octobre 1995, je n’hésiterais pas.
Aux grands espoirs, les grandes douleurs : Alex raconte le référendum comme s’il l’avait vécu, alors qu’il était encore gamin. Pour lui, ce n’est qu’un des derniers chapitres d’une « histoire à l’envers de l’évolution normale d’une société ». Une anomalie qui fait mal.
« L’histoire du Canada a été écrite à l’encre de l’injustice » — il a parfois de ces grandiloquences. Selon lui, division en Haut et Bas-Canada, Confédération et rapatriement de la Constitution ne sont que des étapes de la dilution des droits du Québec, avec ratification de la Cour suprême. Pas besoin de dire qu’il m’a fallu apprendre le contraire pour mon examen d’admission à la citoyenneté. « En 1995, les Canadians se rassemblent à Montréal pour faire des mamours aux Québécois, et le pouvoir central accorde rapidement la citoyenneté, donc le droit de vote, à des immigrants qui vont contribuer à la victoire du Non. Puis ç’a été la débâcle, et ce n’est pas fini. »
Ce point est délicat : si j’étais né plus tôt, j’aurais pu me retrouver dans cette situation et prêter allégeance à la reine quelques jours avant d’aller voter. On peut comprendre le manque d’enthousiasme à appuyer la séparation quand tu viens d’arriver dans un nouveau pays. Et la parole d’honneur, et les ouvriers de la onzième heure, tu en fais quoi, Alex ?
N’empêche que je suis capable de distinguer situation personnelle et point de vue global. C’est le moins qu’on puisse attendre d’un diplômé de Science Po. Je suis en mesure de comprendre les rouages de l’assimilation. À cette échelle, Alexandre, moi, les autres, nous ne sommes que des éléments dans un rapport de force qui s’exerce au-dessus de nous ; à l’échelle personnelle, il y a moi, né ailleurs, qui débarque ici une fois diplômé, et une amitié improbable avec un type dont les racines remontent à trois siècles et demi, biologiste qui m’a pris sous son aile sans rien attendre de moi — que je vote du bon bord, un peu, tout de même. Pour un indépendantiste (en manque de parti où loger, « surtout pas celui des contorsions gagnantes »), les temps sont durs. Quant à moi, j’estime qu’en période de mondialisation, c’est nager à contre-courant. Ça l’irrite, il s’éloigne, mais finit toujours par revenir. Invariablement, je l’attends : s’il ne me relate pas l’histoire-qui-n’en-est-pas-une de son pays-qui-n’en-est-pas-un, qui le fera ?
Oui, qui ? Et cela m’importe. Malgré nos divergences, je ne peux pas lui donner tort pour ce qui est de l’histoire trouée. La crise d’Octobre, tiens. Pendant ma probation on a balayé cet épisode gênant sous le tapis. Qu’un pays cache ce qu’il a de plus laid n’est pas étonnant. La loi des mesures de guerre (le nom en soi est assez saisissant), l’armée dans les rues, les exactions à l’endroit des Premières Nations et des Métis, les camps pour les citoyens d’origine japonaise, est-on moins bon Canadien de ne pas le savoir ? Les immigrants devraient-ils être responsables des bassesses commises avant leur arrivée ? Pour nous, la vie commence maintenant.
Il convoque régulièrement le colonialisme au banc des accusés. Vu mes origines, je suis « bien placé pour apprécier les shows de boucane. Imagine : pour célébrer les 400 ans de Québec, on a reçu le prince et la princesse Kitti-Willi. On se bousculait pour être sur la photo. La cote de la monarchie est en hausse ! God Save Our Mighty Queen — et que le Diable emporte le reste ! »
Justement, ce n’est que du spectacle, non ? La monarchie c’est, comment dire ? décoratif. (Je ne m’aventure pas plus loin sur ce terrain, car c’est colon au sens propre. En passant, je n’imagine pas la trombinette du président français sur des timbres-poste africains.)
« Un gouverneur général, ça sert à quoi ? À perpétuer la tradition du thé l’après-midi ? Comme si ce n’était pas assez, il y a dix lieutenants-gouverneurs : le nom même de cette fonction… décorative ne te semble pas biscornu ?
— Tu sais, des bizarreries, on en rencontre dans tous les régimes politiques.
— Dans ce cas-ci, il s’agit plutôt de ridiculeries.
— C’est bien pire ailleurs. »
Je l’avoue, ce n’était pas génial comme repartie.
« Adepte du chloroforme, toi aussi ?
— J’ai quand même choisi de partir, de faire ma vie ailleurs. J’avais espoir de dénicher mieux.
— Pas trop déçu ? » Ses yeux se sont mouillés. Passer de la colère affectée à la tendresse réelle, c’est du Alex pur jus.
Ni déçu ni tout à fait content, mais le bilan est nettement positif. « Ça m’a permis de faire ta connaissance. Ce n’est pas rien. » Il m’a pris dans ses bras, comme si je lui avais fait un grand cadeau, en l’occurrence moi.
C’était… il y a une éternité, me semble-t-il.
Quand nous passons dix jours sans nous « ostiner », comme il dit, j’ai l’impression qu’il me manque quelque chose. Comme maintenant.
Je suis bon élève, je me tiens au courant de l’actualité politique de ma terre d’accueil, j’en connais même un rayon sur les convulsions constitutionnelles. Alex prétend que je pourrais en remontrer à bien du monde « né ici ». (Dans ce temps-là, il fait des guillemets avec ses doigts. Il voudrait qu’il n’y ait pas de différence entre lui et moi quand on dit « ici ». « On n’est pas de la terre où l’on est né, mais de celle où l’on vit. » Je veux bien, mais c’est inexact. En fait, je ne veux pas totalement : j’aimerais avoir le don d’ubiquité, être ici et un peu là-bas.)
Sauf avec lui, sur ces questions je ne dis pas un mot, je fais celui qui n’a pas d’opinion. Être politologue et se donner une apparence apolitique, la vie est ironique. Tiens, il y a quelques jours, on m’invite à une célébration de la fête du Canada, on me demande si l’on peut compter sur moi. « Bien sûr », mais je ne m’y présenterai pas. (Afficher profil bas, première règle de l’immigrant, quoi qu’en pense Alexandre.)
Alex est biologiste ; je ne suis rien. On n’est pas ce qu’on a étudié, mais ce qu’on fait. Je ne fais à peu près rien ; je ne suis à peu près rien. Ou quelqu’un avec un nom imprononçable. (Oui, il y a bien pire, Alex : je pourrais être Malgache !) Les emplois se tiennent à bonne distance de moi. Un diplôme universitaire, ça paraît bien, mais pour ce qui est de mettre du beurre sur les haricots… Les gens de ma condition se tournent vers le taxi, mais je ne me vois pas dans une bagnole à longueur de journée. D’ailleurs, je ne sais pas conduire. Je finis par me retrouver livreur à bicyclette ici, là plongeur dans des restaurants destinés à faire faillite (je ne suis pas seul à ramer), mais la vadrouille, non, en dépit des commentaires désobligeants que mon refus m’a valus. « Monsieur le politologue ne se prend pas pour de la merde », eh non. La plupart du temps, on me considère comme surqualifié, donc on est convaincu qu’à la première occasion je vais décamper pour un champ plus vert — ce qui ne serait pas faux si je me rendais jusque-là. (S’habituer à la précarité, seconde règle de l’immigrant.)
Je me vante de lire les journaux intégralement, ce qui comprend les sports, les rubriques coups de gueule, le jeu des sept erreurs, les annonces classées. C’est que j’ai tout mon temps. Je garde l’horoscope pour la fin : les autres sections du journal rapportent ce qui s’est passé ; l’astrologie, ce qui se passera.
À ce chapitre disons que je me situe quelque part entre mon ami, totalement incrédule, et un autre voisin, Jason Poisson (du signe du même nom, ça ne s’invente pas, et des yeux de merlan frit dès qu’il voit une belle femme). Lui tient compte de la compatibilité entre les signes dans ses relations et consulte l’horoscope avant d’entreprendre quoi que ce soit d’important. « L’après-midi vous sourira si vous rompez avec votre inertie des derniers jours. » Go ! On part pour la G...
Table des matières
- Couverture
- Faux titre
- Du même auteur
- Horoscopiques
- Page légale
- Exergue
- Bélier
- Taureau
- Gémeaux
- Cancer
- Lion
- Vierge
- Balance
- Scorpion
- Sagittaire
- Capricorne
- Verseau
- Poissons
- Notice
- Table des matières
- Quatrième de couverture