Quand la rue parle
eBook - ePub

Quand la rue parle

Le vocabulaire des luttes sociales et ses origines Ă©tymologiques

Gaétan St-Pierre

Partager le livre
  1. 176 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Quand la rue parle

Le vocabulaire des luttes sociales et ses origines Ă©tymologiques

Gaétan St-Pierre

DĂ©tails du livre
Aperçu du livre
Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

La rue est depuis fort longtemps le symbole de la vie urbaine, de l'animation des faubourgs et des classes populaires. C'est dans la rue que s'exprime la colĂšre du peuple, son indignation. Ardent amoureux des mots, de leurs origines et de leurs sens, GaĂ©tan St-Pierre nous convie Ă  un voyage exploratoire dans le vocabulaire des luttes sociales, populaires et ouvriĂšres.Ces mots, souvent entendus ces derniĂšres annĂ©es, ont Ă©tĂ© galvaudĂ©s, dĂ©tournĂ©s, emportĂ©s dans la spirale de l'inflation verbale. L'auteur les remet dans leur contexte. On dĂ©couvrira, par exemple, que solidaire est de la mĂȘme famille que le verbe souder et le nom sou, que camarade, empruntĂ© Ă  l'espagnol, dĂ©signait Ă  l'origine un compagnon de chambrĂ©e, que manifestation a d'abord eu le sens de rĂ©vĂ©lation divine et qu'ĂȘtre en grĂšve signifiait chercher du travail. GaĂ©tan St-Pierre a enseignĂ© la littĂ©rature au collĂšge Ahuntsic pendant plus de trente-cinq ans. Longtemps titulaire du cours d'histoire de la langue dans le programme de lettres, il est Ă  la fois amoureux de la langue et collectionneur averti d'histoires de mots. Quand la rue parle fait suite Ă  Histoires de mots solites et insolites paru en 2011au Septentrion.

Foire aux questions

Comment puis-je résilier mon abonnement ?
Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramĂštres et de cliquer sur « RĂ©silier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez rĂ©siliĂ© votre abonnement, il restera actif pour le reste de la pĂ©riode pour laquelle vous avez payĂ©. DĂ©couvrez-en plus ici.
Puis-je / comment puis-je télécharger des livres ?
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l’application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Quelle est la différence entre les formules tarifaires ?
Les deux abonnements vous donnent un accĂšs complet Ă  la bibliothĂšque et Ă  toutes les fonctionnalitĂ©s de Perlego. Les seules diffĂ©rences sont les tarifs ainsi que la pĂ©riode d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous Ă©conomiserez environ 30 % par rapport Ă  12 mois d’abonnement mensuel.
Qu’est-ce que Perlego ?
Nous sommes un service d’abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Prenez-vous en charge la synthÚse vocale ?
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Est-ce que Quand la rue parle est un PDF/ePUB en ligne ?
Oui, vous pouvez accĂ©der Ă  Quand la rue parle par GaĂ©tan St-Pierre en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Languages & Linguistics et Linguistics. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages Ă  dĂ©couvrir dans notre catalogue.

Informations

Année
2014
ISBN
9782896648726
Patronage, graissage et autres magouilles : de la corruption et du vol
Il est rare qu’une crise sociale Ă©clate pour une seule raison. Lors du printemps quĂ©bĂ©cois de 2012, la lutte contre la hausse des droits de scolaritĂ© a certes Ă©tĂ© un dĂ©clencheur – l’étincelle qui a mis le feu Ă  la plaine – et l’élĂ©ment moteur de la crise. Mais, comme en tĂ©moigne l’ampleur qu’a prise la mobilisation populaire, ce qui a commencĂ© comme une grĂšve Ă©tudiante est rapidement devenu un vaste mouvement d’opposition au « pragmatisme » nĂ©olibĂ©ral et de lutte contre l’alliance du pouvoir politique et de l’argent. Ce n’est pas tout. Il y avait, au centre de cette flambĂ©e de contestation sociale, une sorte de ras-le-bol gĂ©nĂ©ralisĂ©, un profond sentiment d’injustice, une sorte de haut-le-cƓur, alors qu’éclataient au grand jour des scandales de toutes sortes qui Ă©claboussaient le monde politique : financement occulte, collusion, patronage, corruption. Pendant qu’on nous rĂ©clamait notre injuste part, ailleurs on se partageait le butin, le produit du vol.
Corruption et collusion ont au moins deux choses en commun au point de vue de l’étymologie : ce sont des emprunts savants au latin – c’est-Ă -dire des mots pris tels quels dans le latin Ă©crit et simplement adaptĂ©s en français – et ils comportent tous deux le prĂ©fixe co- (com-, con-) issu de la prĂ©position latine cum « avec ».
Le verbe corrompre et le nom corruption datent du milieu du XIIe siĂšcle. Corrompre vient du latin corrumpere, formĂ© de cum et de rumpere (qui a donnĂ© rompre), verbe signifiant « dĂ©truire », « dĂ©tĂ©riorer ». En français, le mot a d’abord eu le sens concret, aujourd’hui vieilli, de « gĂąter, avarier, pourrir » (la chaleur corrompt la viande). À partir de la fin du XIIIe siĂšcle, le mot est employĂ© surtout dans le sens moral d’amener quelqu’un (par des promesses, des cadeaux, de l’argent) Ă  agir contre son devoir et contre sa conscience : corrompre un juge, un ministre, un fonctionnaire. On dit aussi acheter, soudoyer. Le participe passĂ© corrompu (Ă  l’origine « pourri, en dĂ©composition ») s’emploie gĂ©nĂ©ralement dans le sens moral (et figurĂ©) de « qui se laisse soudoyer » : des dirigeants corrompus, un juge corrompu. Les synonymes de corrompu sont trĂšs souvent, comme lui, des mots pris au sens figurĂ©. Pensons Ă  pourri, Ă  vendu ou Ă  vĂ©reux (signifiant proprement « gĂątĂ© par les vers ») : politiciens pourris, juge vendu, financiers vĂ©reux
 En face de tous ces personnages corruptibles (fin XIIIe, du latin corruptibilis) se dressent heureusement une poignĂ©e d’incorruptibles (milieu XIVe, du latin incorruptibilis) ! Le nom corruption, empruntĂ© au latin corruptio, a connu la mĂȘme Ă©volution de sens que le verbe. Le mot, qui a le sens concret de « pourriture », s’est spĂ©cialisĂ© dans le sens d’« action de corrompre moralement quelqu’un », c’est-Ă -dire l’action d’acheter ou de soudoyer une personne, l’action de lui graisser la patte. Figurent dans le champ lexical de la corruption des termes aussi Ă©vocateurs que dessous-de-table, pot-de-vin et enveloppe (brune de prĂ©fĂ©rence).
La collusion, petite sƓur de la corruption, est une entente secrĂšte, une conspiration, en vue de tromper ou de causer un prĂ©judice Ă  un ou des tiers. Il y a collusion quand, par exemple, des entrepreneurs s’entendent frauduleusement, avec la complicitĂ© de fonctionnaires et d’élus, non seulement pour l’octroi des contrats, mais aussi pour faire gonfler le coĂ»t des travaux. Le terme collusion a une origine assez surprenante puisqu’il remonte Ă©tymologiquement Ă  l’idĂ©e de « jouer ensemble » : collusion (dĂ©but XIVe) est un emprunt au latin collusio, lui-mĂȘme dĂ©rivĂ© du verbe colludere formĂ© de cum « avec » et de ludere46 « jouer ». La collusion est une sorte de jeu payant, un jeu dont seuls les initiĂ©s connaissent les rĂšgles. C’est une affaire de secret, de complicitĂ© ou, mieux, de connivence (1539), mot qui ramĂšne au verbe latin connivere « cligner des yeux, fermer les yeux », d’oĂč, au sens figurĂ©, la complicitĂ©, l’accord tacite.
*
Les termes quĂ©bĂ©cois patronage, graisser et graissage sont autant de tĂ©moins gĂȘnants de nos mƓurs politiques. On pourrait ajouter le mot partisanerie. Tous ces mots sont entrĂ©s en usage entre la fin du XIXe siĂšcle et le dĂ©but des annĂ©es 1920, et tous sont signalĂ©s dans la premiĂšre Ă©dition (1930) du Glossaire du parler français au Canada47.
Le mot partisanerie (aussi Ă©crit partisannerie), dĂ©rivĂ© de partisan, n’est pratiquement en usage qu’au QuĂ©bec oĂč on l’entend trĂšs frĂ©quemment. Le mot s’applique gĂ©nĂ©ralement Ă  une attitude partisane, Ă  l’esprit aux prĂ©jugĂ©s de parti ou encore Ă  un parti pris politique : c’est de la (petite, basse) partisanerie ! L’esprit de parti et les intĂ©rĂȘts partisans conduisent souvent, une fois qu’on est au pouvoir, au favoritisme politique, ou, comme on l’appelle ici, au patronage. Le terme patronage est un mot français employĂ©, dans tous les autres pays francophones, dans le sens de « parrainage » (sans lien avec parrain « chef mafieux » !), c’est-Ă -dire d’appui donnĂ© Ă  une Ɠuvre par une personnalitĂ© ou par un organisme. Or le terme patronage, en usage au QuĂ©bec depuis la fin du XIXe siĂšcle, rĂ©sulte de l’influence du sosie anglais patronage qui, en plus du sens de « soutien » ou de « parrainage », a dĂ©veloppĂ©, en anglais amĂ©ricain, le sens particulier de « nomination d’amis politiques », de « nĂ©potisme, favoritisme politique ». Le quĂ©bĂ©cisme patronage « favoritisme » est donc considĂ©rĂ© comme un anglicisme sĂ©mantique48.
Dans ce monde de favoritisme49, de copinage et de retours d’ascenseur, il y a, Ă  cĂŽtĂ© des personnes qui profitent du systĂšme de patronage (les amis du pouvoir), celles qui doivent recourir au graissage pour obtenir quelque faveur. Nous avons dĂ©jĂ  en français la locution familiĂšre graisser la patte (Ă  quelqu’un), c’est-Ă -dire lui donner de l’argent en Ă©change d’un petit service ou d’un avantage. Au QuĂ©bec, oĂč cette locution est Ă©galement en usage, on emploie aussi l’expression graisser (quelqu’un) « acheter, corrompre, soudoyer » : graisser un ministre, un fonctionnaire, un maire. Et l’on donne familiĂšrement le nom de graissage Ă  cette forme de corruption ainsi qu’à l’argent qui sert Ă  soudoyer, au pot-de-vin lui-mĂȘme.
*
La chose, on le sait, se pratiquait couramment Ă  l’époque de l’Union nationale de Maurice Duplessis : acheter les Ă©lections en offrant des « cadeaux » aux Ă©lecteurs. De nos jours, le procĂ©dĂ© est (un peu) moins grossier et implique gĂ©nĂ©ralement une firme de gĂ©nie-conseil, un grand cabinet d’avocats ou un entrepreneur, et on l’appelle « Ă©lections clĂ©s en main ». Mais, en y regardant de plus prĂšs, on voit qu’il s’agit essentiellement de la mĂȘme chose : de tripotage d’élections, de magouilles comptables, de financement occulte des partis politiques. DĂ©mocratie volĂ©e.
On a parfois l’impression que, plus on parle, dans les milieux politiques, de « ...

Table des matiĂšres